Urgences et secours

Samu et pompiers : la hache de guerre enterrée ?

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Publié le 20/10/2023
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Pour tenter de mettre fin au conflit historique entre « blancs » et « rouges », le ministre de la Santé Aurélien Rousseau s'est invité au congrès des pompiers pour confirmer l'expérimentation prochaine des modèles de plateformes communes interservices. Des résistances demeurent.
Urgentistes du Samu et pompiers peuvent-ils s'entendre?

Urgentistes du Samu et pompiers peuvent-ils s'entendre?

La hache de guerre entre urgentistes et pompiers a-t-elle été enterrée ? Pour la première fois en tout cas, un ministre de la Santé – Aurélien Rousseau – s'est rendu au congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP) avec la volonté affichée de pacifier les relations entre les blancs et les rouges et d'ouvrir un nouveau chapitre. 

En plus de voler la vedette au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, Aurélien Rousseau a longuement salué l'implication des pompiers dans l'encadrement des secours pendant la crise Covid et rendu hommage à ceux qui se sont formés à la vaccination ou qui se sont chargés de la logistique « quand il fallait tout faire, très vite ». Le ministre de la Santé a aussi admis que les missions de secours à la personne des pompiers s'étaient « continuellement renforcées et développées depuis 70 ans », une façon de reconnaître leur engagement prépondérant et leurs difficultés en matière de ressources humaines (attractivité, fidélisation).   

Arbre décisionnel concerté

Aurélien Rousseau a ensuite promis aux sapeurs pompiers — sujet sensible — l’application « rapide » de la fameuse loi Matras votée en 2021 qui promettait notamment l’expérimentation de plateformes communes (avec trois scénarios possibles) et d'un numéro unique de secours (le 112), motif de friction récurrent entre les rouges et blancs. La région Auvergne-Rhône-Alpes a été choisie comme cadre pour concrétiser enfin cette expérimentation. « Je veillerai à ce que l'arbre décisionnel de la plateforme de gestion commune d'appels soit le résultat d'un travail concerté entre les professionnels de nos deux ministères », a plaidé le ministre de la Santé, décidément soucieux d'équilibre. 

Il n'empêche qu'il aura fallu deux ans pour avancer sur ce terrain partagé. Pour Norbert Berginiat, vice-président de la FNSPF, « alors que la loi Matras avait été votée par les parlementaires, les décrets ont été dévoyés par la DGOS [ministère de la Santé] ». Et de pointer l’hostilité de l’ex-ministre de la Santé François Braun, ancien patron du syndicat des Samu (SUdF) à la mise en place d'un numéro unique d'appel d'urgence.

Peur du changement ?

Malgré les discours politiques apaisants, rien ne sera simple. Côté Samu, le Dr Marc Noizet, actuel président de SUdF, souligne la levée de boucliers des urgentistes en octobre 2021 manifestant devant l’Assemblée contre le numéro unique — les blancs craignant une remise en cause de la régulation médicale. « Ce n’est vraiment pas le moment d’aller casser ce qui a été construit pendant 50 ans pour mettre tout le monde sur une plateforme qui n’amènera pas une meilleure articulation et fluidité de nos appels », analyse-t-il encore aujourd'hui. Il redoute toujours qu'un éventuel numéro unique secours/sécurité/santé ne remplace à terme le numéro unique santé, sur fond de guerre de pouvoir, de peur du changement et de querelle de financement.

Pas en reste, les pompiers s'agacent depuis des années d’être trop souvent des « supplétifs du système de santé pour gérer les carences ambulancières (sur la prescription du Samu) à la place des ambulanciers privés », explique Norbert Berginiat (FNSPF). L'avertissement est clair : plus question de servir de variable d'ajustement. D'autant que les pompiers sont (sur)sollicités pour des missions de transport qui ne sont pas leur cœur de métier. En réponse, Aurélien Rousseau a salué la réforme de la garde ambulancière qui a déjà conduit à la diminution de 25 % des carences ambulancières depuis juillet 2022. La création et le fonctionnement de la commission de conciliation paritaire, chargée d'examiner les désaccords, viennent d'être détaillés dans un décret. Et Ségur va revaloriser « significativement » le tarif de la garde ambulancière avec un effet rétroactif au 1er janvier 2023.

Un groupe contact d'application de la loi Matras doit permettre aussi d'éviter les malentendus entre Samu et pompiers. « L’intention est d’apaiser les échanges en respectant nos différences et en travaillant sur nos points de rapprochement », éclaire le Dr Marc Noizet (SUdF). Certains rêvent en tout cas d'en finir avec les vieilles querelles. « On en a marre des petits prés carrés et des jeux de pouvoirs », résume le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), favorable au numéro unique. « Il faut travailler ensemble et moderniser le système de secours et d’urgence aux personnes.

 

Arnaud Janin et Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin