C’est un vaste travail d’analyse de données provenant de l’activité dans les services d’urgences auquel s’est livré l’observatoire régional des soins non programmés d’Île-de-France. Volume de passages, horaires, profil du patient et nature de la pathologie sont passés au scanner d’un département francilien à un autre mais aussi entre cette région et les autres. Revue de détail.
Une dynamique deux fois plus forte que France entière
En 2024, les urgences franciliennes ont enregistré à elles seules 4,3 millions de passages. Le reste du territoire national en a comptabilisé 16,9 millions, soit un total France entière de 21,2 millions. « Ces volumes illustrent l’intensité d’activité en Île-de-France, qui représente environ 20 % de la fréquentation nationale », lit-on dans l’étude, alors que les Franciliens sont 18,1 % de la population totale. L’enquête constate une augmentation significative du nombre de passages (+6,4 %) par rapport à 2023, soit une dynamique presque deux fois plus forte que celle France entière (+ 3,7 %).
Les habitants franciliens utilisent davantage les urgences que la moyenne du reste de la France. Cela n’est pas forcément dû à un moindre recours de la médecine de ville mais, « peut-être », explique l’observatoire, parce que l’Île-de-France n’avait pas encore généralisé de régulation en amont des urgences (appel au 15, recours aux SAS) contrairement à d’autres territoires. De fait, toujours en 2024, le taux de passages pour mille habitants est nettement plus élevé en Île-de-France que dans le reste de la France (346 contre 302 passages). La région a aussi la particularité de ne pas subir de pic estival entre juillet et septembre aux urgences adultes, en raison du déplacement massif de sa propre population dans d’autres régions.
Le dimanche, jour le plus calme
Jour par jour, l’étude relève que les urgences (adultes et pédiatriques, en Île-de-France comme ailleurs) sont davantage embouteillées en début de semaine. Toutes données confondues, la région connaît ainsi un pic d’activité aux urgences le lundi (avec 16 % des passages), avec une décroissance au fil de la semaine (sauf léger rebond le vendredi), jusqu’au dimanche (l’activité chutant de 20 % par rapport au lundi).
L’âge moyen des patients varie de 35 ans en Seine-Saint-Denis à 38 ans à Paris, dans les Yvelines et dans les Hauts-de-Seine alors qu’il est de 41 ans dans le reste de la France. Sans donner d’explication à ce constat, l’enquête montre aussi que les urgences franciliennes accueillent davantage d’hommes que de femmes (hormis en Seine-et-Marne), spécialement après 75 ans.
Moins d’hospitalisations post-urgences
En aval des urgences, le taux d’hospitalisation en Île-de-France est seulement de 14 % contre 22 % dans le reste de la France. « Il est possible que la régulation des patients en amont des urgences hors Île-de-France participe à augmenter le taux d’hospitalisation puisque les patients moins à risque d’être hospitalisés ont moins de chance de se rendre aux urgences », analyse l’observatoire.
Les différences sont marquées selon le statut de l’établissement. Les Espic (privé à but non lucratif) adultes ont un taux d’hospitalisation post-urgences de plus de 18 % contre seulement 8 % pour les urgences adultes dans les cliniques privées.

Concernant le motif du passage enregistré aux urgences, l’Île-de-France affiche un plus fort taux de patients « légers » (CCMU1*), soit 23 % contre 15 % dans le reste de la France. Là encore, le statut des établissements joue sur le profil de patients pris en charge : ces patients CCMU1 à l’état clinique stable représentent 22 % des arrivées à l’hôpital public et 38 % dans les Espic (mais seulement 7 % en clinique).
Tous établissements confondus, les patients classés CCMU 3** sont plus nombreux en proportion à se présenter aux urgences ces dernières années (16 % en 2022 mais 27 % en 2024).
Pic matinal, accalmie trompeuse en nuit profonde
Le pic d’activité se situe entre 10 heures et midi avec un plateau jusqu’à 19 heures et une diminution graduelle de l’activité dans la soirée, sauf aux urgences pédiatriques qui enregistrent un deuxième pic entre 19 heures et 21 heures.
Les passages de nuit sont surtout élevés à Paris, en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne et le Val-d’Oise, ainsi que plus marqués à l’hôpital public. « Les services d’urgences ne sont en réalité jamais vides, même au creux de la nuit, tempère l’observatoire. L’afflux de patients est moindre mais le volume de patients présents reste important ». Les experts rappellent que les chiffres rapportés concernent les passages et non les patients stagnants car hospitalisés aux urgences. « Le volume réel de patients présents dans les locaux des urgences à un instant T et donc encore sous-estimé ici », insistent-ils.
Moins de trois heures d’attente pour un patient sur deux
La durée de passage des patients est calculée avec la différence entre l’entrée et la sortie. La médiane francilienne est de 173 minutes en 2024, soit près de trois heures, contre 171 minutes dans le reste de la France. « Pour l’Île-de-France et le reste de la France, 90 % des patients qui retournent à domicile ont une durée de passage inférieure à 7 h 30 », lit-on dans l’étude. Toutefois, il existe des écarts significatifs entre certains départements franciliens, comme 2h24 dans les Hauts-de-Seine contre 3h45 en Essonne. Pareillement, la durée médiane de passage est de 2h14 minutes en clinique privée contre 3h32 minutes à l’hôpital.

Pieds et métro plutôt qu’ambulance
Trois quarts des entrées aux urgences adultes et même 94 % en pédiatrie sont le fait de patients qui arrivent par leurs propres moyens. La part des arrivées en ambulance est plus faible en Île-de-France que dans le reste de la France (10 % contre 14 %).
Les patients « couchés » (les plus graves) sont un indicateur de la charge qui pèse sur les services. Le taux moyen francilien est de 20 % du volume de passages. L’observatoire note des écarts « assez significatifs » entre départements, avec seulement 15 % de patients « couchés » en Seine-Saint-Denis contre 24 % à Paris. Autre chiffre parlant : un patient sur trois (30 %) arrive à l’hôpital public en ambulance ou avec les pompiers. Ce pourcentage tombe à 8 % en clinique privée.
Côté diagnostics, traumatismes, douleurs abdominales et pathologies digestives constituent le gros de la prise en charge aux urgences franciliennes en 2024.

* État clinique jugé stable avec abstention d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique pour une pathologie de type angine, malaise vagal non symptomatique, plaie sans suture, otite, etc.
** État lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugé pouvant s’aggraver aux urgences ou durant l’intervention Smur, sans mise en jeu du pronostic vital.
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