Leurs profs sont à peine plus vieux qu’eux. Dans l’amphithéâtre HA2 de l’hôpital de La Timone, à Marseille, plus d'une trentaine d’étudiants de première année écoutent Clémence, 19 ans, tutrice à l’écurie sociale et solidaire, Médenpharmakiné. La jeune femme faisait partie de la deuxième promotion (2021-2022) de la prépa médecine. Elle a réussi le concours. À présent, c’est elle qui enseigne les maths à ses pairs et partage ses astuces pour gratter des points aux épreuves. « Vous êtes déjà des monstres des proba », se félicite-t-elle.
Dans les rangs, Lina, 18 ans, écoute la correction. Chaque lundi, à 17 heures, c'est la séance d'entraînement : 50 minutes chrono de QCM. L’étudiante a entendu parler de cette écurie par l’un de ses enseignants au lycée Montgrand à Marseille (6è) et lors de son inscription à la faculté de médecine. « La première année est réputée quasi insurmontable sans prépa », insiste Lina, qui a envisagé de souscrire un prêt pour s’en payer une dans le privé à plusieurs milliers d’euros.
Lettres de motivation
Entre-temps, elle a été admise à Médenpharmakiné sur présentation de ses bulletins de notes, d'une lettre de motivation et d'un entretien – un quart des demandeurs n’ont pas été retenus. « J’ai toujours voulu faire médecine », poursuit Lina, qui travaille sans relâche de 8h à 22 h 30. « Je suis très stressée à la base. Cette année joue beaucoup sur le moral. Sans cet accompagnement, j’aurais peut-être abandonné dès le début », ajoute-t-elle.
Face à ce défi, la proximité en âge des tuteurs, parrain et marraine, est un atout. « Ils ont la capacité de se mettre à notre place et sont hypercalés dans toutes les matières », lance-t-elle. Parmi eux, Zenab, 20 ans, en deuxième année de médecine. « Le projet de permettre un accès plus égalitaire aux études de santé me touche particulièrement », souligne cette ancienne « tuté » du 11è arrondissement de Marseille.
Charge mentale constante
Cet engagement représente une charge mentale constante. « On est censé être disponible pour répondre aux questions sur le moment » explique-t-elle. Aux côtés des onze autres tuteurs, elle consacre tous les quinze jours quelques heures à la préparation des cours et assure les permanences, une fois par semaine de 12 h 30 à 20 heures, dans les deux salles mises à disposition par les Hôpitaux Universitaires de Marseille.
« Les tuteurs sont rémunérés entre 40 et 50 heures par mois en moyenne au Smic horaire » précise Alex, 20 ans, en troisième année, coordinateur de Médenpharmakiné. « Je fais plus que d’aider des étudiants à réussir leur concours de médecine, j’aide des étudiants qui n’auraient peut-être pas eu d’aide sans nous », poursuit le jeune homme, qui a été accompagné en première année par le Centre Laennec Marseille.
« La prépa s’adresse d’abord aux étudiants de milieux modestes. Pour les boursiers, le prix est de 10 euros par an. Sinon le barème dépend des revenus du foyer fiscal avec une contribution maximale de 950 euros par an » , explique Aïssa Grabsi, directeur et cofondateur de l’association Le Sel de la Vie, derrière cette initiative. « Les jeunes des quartiers populaires sont sous-représentés parmi les étudiants en médecine. Beaucoup se disent : Ce n’est pas pour moi » souligne le professeur de sciences économiques et sociales.
Six financeurs soutiennent le projet, dont le budget est d’environ 85 000 euros (le Département, la Région, la Métropole, la Ville, l’État via le préfet délégué à l’égalité des chances et les Apprentis d’Auteuil). Depuis son ouverture, les effectifs de l’écurie ont grossi et avec le nombre de lauréats : quatre en 2021 sur douze élèves, huit en 2022 sur les quinze qui sont allés jusqu’au bout. Ils sont déjà 43 à s’être lancés cette année et les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 31 octobre. L'objectf de l'association est d'accompagner jusqu'à 80 étudiants.
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