Le Dr Nicolas-Xavier Bonne a tiré un trait sur sa carrière hospitalo-universitaire après « une année de MCU-PH cauchemardesque ». Ce brillant chirurgien ORL de 39 ans avait pourtant gravi tous les échelons hospitaliers de 2013 à 2019, en « changeant de statut tous les ans ou tous les deux ans ».
Mais le médecin lillois a cumulé durant un an et demi « une activité chirurgicale sans fin et son activité de recherche », sans oublier le temps consacré à la création de son école d’audioprothèses le soir et le week-end, « avec des gens qui vous appellent la nuit et le week-end pour gérer les accréditations ministérielles ». In fine, c’était la recherche qui intéressait le plus le chirurgien. Raison pour laquelle il a présenté un contrat d’interface à l’Inserm, permettant aux médecins hospitaliers de se consacrer à la recherche au sein du prestigieux institut. Mais, se désole l’ancien MCU-PH, « on m’a reproché de ne pas pouvoir tenir mon temps de recherche, parce que je devais fonder une école d’audioprothèses qui me prenait trop de temps ». Une équation insoluble.
Aujourd’hui installé… dans une clinique, aux côtés d’un « gros paquet d’anciens universitaires », il apprécie son indépendance, « la relation directe avec les patients, la flexibilité, la disponibilité et la réactivité » de sa direction. Mais il avoue que la recherche lui « manque énormément, de même que l’enseignement ». Et d’ajouter : « Je n’étais pas programmé pour travailler en libéral. Pour moi, je ne fais pas mon boulot aujourd’hui… »
Deuxième cycle, la désorganisation
Quand on demande au Dr Youri Yordanov, maître de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH) à l’hôpital de Saint-Antoine (AP-HP), les raisons qui l’ont poussé à embrasser une carrière hospitalo-universitaire, il répond sans hésiter : « Pour la triple valence (soins, enseignement et recherche, NDLR) ! » Sur le papier, ce médecin de 42 ans se sent comme un poisson dans l’eau. Car il continue « à voir des malades » 50 % de son temps, tout en se consacrant à l’enseignement et la recherche. Le praticien apprécie le fait que les valences « soins » et « recherche » se nourrissent mutuellement. « Les questions que je me pose face à mon patient vont alimenter mes projets de recherche, et mon travail de recherche me permet de modifier mes pratiques », confie-t-il.
S'il garde « énormément de plaisir » à enseigner, il explique que la succession des réformes des études médicales a complexifié sa tâche. « Ces réformes se sont enchaînées rapidement, avec une impression de désorganisation majeure », observe le MCU-PH qui trouve que la nouvelle mouture du deuxième cycle se déploie « en dépit du bon sens et à la va-vite ».
Régression pédagogique
Même déception exprimée du côté des outils : la plate-forme informatique (SIDES) qu’il utilisait pour préparer les cours aux ECN « a été désactivée il y a quelques mois », regrette le médecin parisien. Pour la remplacer, la fac avait promis de développer un nouvel outil qui se fait attendre. Si bien que l’enseignant se contente de donner des documents Word à ses étudiants, alors qu’il pouvait avant « les faire travailler de manière dynamique, avec des dossiers cliniques interactifs ou de l’iconographie ». D'où « l’impression de régresser sur le plan pédagogique. »
En écho à la récente enquête du syndicat Jeunes Médecins qui dénonçait le manque d'attractivité des carrières HU et la vague de départs de praticiens désenchantés, l’urgentiste estime que les avancées du Ségur sont « plus que décevantes ». Notamment sur le volet retraite, car celle-ci est « calculée uniquement sur la partie hospitalière pour les HU, soit la moitié de mon activité, déplore le Dr Youri Yordanov. Donc, je ne cotise à la Sécu que sur la moitié de mon travail. » Une retraite jugée également indécente par l'intersyndicale APH (Action praticiens hôpital), malgré plusieurs décrets et arrêtés récents pour améliorer l'attractivité.
Réduction du nombre d'heures d'enseignement
La Dr Amandine Gagneux-Brunon, MCU-PH en maladies infectieuses et tropicales au CHU de Saint-Étienne, 40 ans, considère elle aussi que la mise en œuvre de la réforme du deuxième cycle des études de médecine est « inadaptée », dans un contexte où « la plupart des équipes hospitalières sont sur le pont depuis presque deux ans en raison de la pandémie ».
Pire, elle relève une « réduction drastique du nombre d’heures d’enseignement dans notre spécialité », alors que les effectifs d’étudiants auraient « doublé en l’espace de 15 ans », croit savoir l’infectiologue. Du coup, elle a « l’impression de ne pas faire de qualité, d’être obligée de balayer un programme très vaste en très peu de temps ». Pourtant, c’est pour « faire de l’enseignement, pour transmettre des connaissances » que la Dr Gagneux-Brunon s’est lancée dans une carrière HU.
Trois vies professionnelles
Si la Dr Gagneux-Brunon apprécie son métier - qui lui permet parfois de « vivre quasiment trois vies professionnelles en une journée » - celle qui désire devenir PU-PH n’imaginait pas que le rythme serait aussi intense. Car, passé le pas de la maison, sa journée ne s’arrête pas. « Il faut assumer beaucoup de travail personnel au-delà des horaires hospitaliers, travailler le week-end, confie l'infectiologue. Je n’ai jamais l’esprit complètement libre. »
Pour le Dr Gagneux-Brunon, les femmes – et en particulier les mères de famille – rencontrent davantage d’obstacles que leurs confrères pour accéder à des postes hospitalo-universitaires à haute responsabilité. Et si cet objectif n’est pas inaccessible, il demande « une très grosse volonté », estime l’infectiologue, qui souligne « la surreprésentation des hommes dans le corps des PU-PH ».
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