Le député La France Insoumise (LFI) de la Haute-Vienne, Damien Maudet, a déposé une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête pour évaluer les pertes de chance pour les patients dues aux fermetures de services d'urgences et au manque de personnel. Celle-ci est cosignée par une centaine de députés du groupe Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Le député entend « faire la lumière sur le coût humain réel de la politique d’austérité poursuivie par ce gouvernement et mettre ce dernier face à ses responsabilités ».
LE QUOTIDIEN : Pourquoi demander une commission d’enquête sur les pertes de chance ?
DAMIEN MAUDET : Parce que tout l’été, le nouveau ministre de la Santé a dit, comme son prédécesseur, que « l’hôpital tourne » et qu’il « va tenir », notamment en raison de la résilience des soignants. Mais c’est un déni de la réalité ! Des gens attendent des heures et des jours, car il n’y a pas de lit d’aval, pas assez de médecins, d’aides-soignants, d’infirmiers… Quelques chiffres : 150 personnes sont décédées sur un brancard, de « mort évitable » en décembre 2022 selon Samu-Urgences de France. Ces chiffres sont fidèles à ce que disent les soignants : sur toute l’année, cela pourrait représenter entre 1 500 et 2 000 décès sur des brancards, faute de prise en charge adéquate. Je crains que nous arrivions à encore plus de drames, auxquels on voudrait nous habituer. Mais on ne peut pas s’habituer à ça !
Cette commission servirait à déterminer en quoi l’action politique du gouvernement est responsable ou non de cette situation, avec des preuves factuelles pour déterminer ce qui ne va pas et ce qu’il faut faire pour ne pas mettre en danger les citoyens. Les mesurettes n’inverseront pas la tendance, avec notamment un infirmier sur deux qui quitte son poste au bout de dix ans. Combien de temps avons-nous déjà perdu ? Il nous faut un cap : combien veut-on d’infirmiers, de médecins ? Quel est le bilan de Parcoursup dans les métiers de la santé ? Comment font les autres pays ?
Vous êtes élu en Haute-Vienne, avez-vous des remontées concrètes de terrain ?
Ma grande tristesse, c’est qu’avant [le député a 26 ans, NDLR], c’était une fierté de bosser à l’hôpital, d’en être un fonctionnaire. Aujourd’hui, on refuse les démissions des soignants qui veulent partir ou on les réquisitionne ! En 20 ans, le meilleur système de santé du monde s’est délité. L’été dernier, avec la fermeture du CH de Saint Junien, le CHU de Limoges, déjà engorgé, s’est encore plus dégradé. Il n’a qu’une quinzaine de boxes pour une cinquantaine de patients qui attendent. Dans les couloirs, il y a des recoins, alors, certains patients sont parfois oubliés, tellement on ne sait pas où donner de la tête ! Une soignante m’a dit que, parfois, elle « enjambait des brancards » ! L’an dernier, une maman m’a expliqué avoir attendu 27 heures sur un brancard… Malheureusement, aujourd’hui, le record est battu avec jusqu’à 9 jours sans lit d’aval.
Vous demandez une commission d’enquête, qui a toutefois peu de chances d’aboutir… Avez-vous des contacts avec d’autres groupes ? Pensez-vous que la majorité la rende possible ?
L’idée, c’est de tenter que cette commission soit transpartisane, avec des signataires d’autres groupes… Nous avons en tout cas adressée la proposition de résolution à tous, sauf au Rassemblement National. Elle sera présentée en conférence de presse le 19 septembre. Pourquoi pas, ensuite, la faire entrer dans notre niche parlementaire ? Avec le PLFSS à venir, cela nous permet de remettre ce sujet sur la table, d’en discuter aussi avec des sénateurs. Nous devons avancer sur l’hôpital et proposer du concret.
Faudrait-il une proposition de loi sur l’hôpital ; si oui, quelles sont vos propositions ?
Bien sûr, ce serait l’un de mes objectifs en tant que parlementaire. J’ai déjà été coauteur d’un rapport intitulé « Allo Ségur » sur l’hôpital public : l’étape au-dessus, c’est de calculer les coûts de toutes les mesures nécessaires. Dans les grandes lignes, il faudrait plancher sur les ratios soignants/patients, établir un plan pluriannuel de hausses des salaires – trouver aussi le bon montant pour que les soignants reviennent à l’hôpital et travailler sur la pénibilité pour qu’ils y restent. En bref, donner des perspectives ! J’entends que des syndicats demandent 300 euros net… Ce sont eux les mieux placés pour savoir.
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