« Je ne suis fait avoir, je n’aurais jamais dû dire "Oui" à cette demande de prescription… ». « Je n’avais pas envie de passer 15 minutes à expliquer pourquoi je ne souhaitais pas établir de certificat, j’ai dit "Oui" par paresse, je me sens nul… ». En cette période de nouvelle surcharge d’activité, après des mois d’épidémie Covid plus calmes – bien que plus stressants – beaucoup de médecins expriment leur désarroi face à des demandes qu’ils n’étaient plus habitués à gérer et qui leur procure un état d’exaspération, d’agressivité et qui peut refaire le lit du burn-out.
« Être libéral et savoir dire "Non" n’est pas antinomique, c’est même l’une des règles de fonctionnement d’un praticien avec ses patients », explique au « Quotidien » le Pr Éric Galam, Professeur de Médecine Générale à l’Université de Paris. « Mais il faut avant tout s’y être préparé et malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Or, verbaliser un refus lorsque le médecin ne l’a jamais envisagé, nécessite un surcoût en énergie et provoque souvent une incompréhension du patient qui le vit comme un affront. Dire "Non" un jour ne veut pas dire toujours "Non". En intégrant que la réponse dépend de la demande et du contexte, il est plus facile de replacer le "Non" dans sa pratique et de redonner de la valeur au "Oui" ».
Poser des limites à soi est aux autres est indispensable pour se protéger. Il est inutile, voire contre-productif, de chercher à convaincre certains patients au risque de s’y épuiser. Une relation médecin-patient respectueuse des deux parties passe par l’établissement de règles et de limites mais laisse place à des compromis.
Savoir anticiper les possibles
Les critères qui justifient individuellement le "Non" sont personnels (horaires de travail…), professionnels (mode d’installation, type de pratique…) et environnementaux (habitudes…). Il est parfois nécessaire en consultation de s’accorder un temps de réflexion face à la demande d’un patient afin d’éviter le réflexe « stimulus/réponse instantanée ». Ce délai peut être silencieux ou faire place à une reformulation de la demande (« C’est bien un certificat que vous souhaitez… »).
Avoir anticipé les possibles « Non » qui jalonnent la pratique médicale permet de mieux comprendre et d’anticiper les trois attitudes possibles décrites en Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC) face à une demande injustifiée : comportement agressif qui ne prend pas en compte les arguments du patient, comportement passif qui se fond dans le désir de l’autre et ne prend pas en compte ses propres valeurs, et comportement assertif qui permet une affirmation non agressive adaptée au contexte, acceptant la critique et le mécontentement éventuel.
La signature de la bonne réponse (« Oui » ou « Non ») est avant tout fonction de l’accord avec soi-même. Il est possible d’accepter de nouveaux patients, d’élargir ses horaires de consultation, de faire une garde de plus… mais à condition que cette décision soit associée à une satisfaction à une émotion positive (1). De même, une exception au fonctionnement habituel peut être admise si l’on considère que cet acte est exceptionnel et fondé. Même si la période Covid a constitué une parenthèse dans les relations habituelles Médecins-Patients, le retour à une certaine « normalité » doit être l’occasion pour les praticiens de s’interroger sur leurs pratiques afin de ne pas se laisser déborder par les flots d’émotions qui font le lit du burn-out.
Exergue : Savoir dire "Non" n’est pas antinomique, c’est même l’une des règles de fonctionnement d’un praticien avec ses patients »
(1) Getting to No: How to Respond to Inappropriate Patient
Michelle Kane and Lee Chambliss,
MDFam Pract Manag. 2018 Jan-Feb : American Academy of family Physicians
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