Chaque hiver, la question se pose. Dans un contexte de pénurie médicale qui s’aggrave, comment prévenir les consultations pédiatriques « évitables » qui encombrent les cabinets de généralistes et les urgences pédiatriques ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre deux jeunes médecins qui ont récemment proposé une thèse sur la mise en place d’ateliers parentaux au sein de la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) des Mureaux, en grande banlieue parisienne (1, 2).
Dans un premier temps, les Drs Kathleen Bento et Alexia Langlet ont listé les principales pathologies hivernales de l’enfant : fièvre isolée, état fébrile non caractérisé (grippe, VRS, virose…), rhinopharyngite, bronchiolite et gastro-entérite. Elles ont ensuite effectué un travail de bibliographie sur les connaissances des parents sur ces différentes pathologies afin de préciser les besoins éducatifs. La fièvre est apparue comme l’un des symptômes les plus angoissants, les moins bien connus et les plus mal gérés (3). Deux autres axes de formation ont été retenus par les Drs Bento et Langlet : la désobstruction rhinopharyngée (DRP) et l’utilisation des solutés de réhydratation. Ces thématiques de formation ont été confortées par l’analyse de la littérature rapportant des initiatives d’éducation thérapeutique de parents dans différentes régions du monde (Corée du Sud, Mexique, États-Unis, Ghana, Australie…).
Infirmière Asalée et médecins généralistes
Fortes de ce travail préliminaire, les deux jeunes médecins ont proposé un projet d’éducation thérapeutique au sein de la maison de santé des Mureaux (10 médecins généralistes, six infirmières, une infirmière Asalée, trois kinésithérapeutes). Ce projet a bénéficié d’une valorisation ACI (démarche qualité des MSP) de 700 euros. La participation aux ateliers était gratuite sur inscription préalable. Deux ateliers distincts ont été proposés aux parents. « Comment moucher bébé ? » était animé par l’infirmière Asalée. Pendant 45 minutes, cette soignante expliquait les principes de la DRP et proposait de réaliser le geste sur un poupon. Le deuxième atelier, « Comment soigner bébé ? » (1 heure 30), était animé par un médecin généraliste et présentait les bons réflexes à adopter face à différentes situations : gastro-entérite, fièvre, rhino-pharyngite et bronchiolite.
L’évaluation de ce projet a été double : d’une part quantitative, avec une analyse de l’impact de la participation aux ateliers sur le nombre de consultations urgentes « évitables » (syndrome infectieux de moins de 48 heures) dans les trois mois suivant l’inclusion dans l’étude exposés/non-exposés, et d’autre part qualitative, avec une analyse du retour d’expérience et des attentes des parents qui ont participé à la formation.
L’étude qualitative a été menée sur 29 enfants exposés (dont l’un des parents au moins avait suivi les deux sessions d’éducation thérapeutique) et 29 non-exposés. Ils étaient âgés en moyenne de 7,62 mois, leurs mères de 30 ans en moyenne, et 45 % d’entre elles étaient sans emploi. Seuls deux enfants sur 48 étaient gardés par une assistante maternelle et 10 autres étaient en collectivité, autrement dit la plupart des enfants passaient leurs journées en famille.
De l’importance des interactions en situation
Résultat : le recours à une consultation non programmée a été plus fréquent pour les enfants dont les parents n’avaient pas suivi les ateliers : 21 enfants non-exposés (30 consultations au total) contre sept enfants exposés (11 consultations au total). L’analyse menée sur les motifs de recours pour la première consultation non programmée a montré que, dans le groupe ayant eu accès à la formation, quatre des sept consultations étaient considérées comme non évitables, contre 15 des 21 consultations chez les enfants témoins. Dans les familles qui ont suivi l’éducation thérapeutique, seuls deux facteurs semblent avoir influencé le recours à des consultations « évitables » : le mode de garde en collectivité (la demande de consultation émane le plus souvent du personnel de la collectivité) et l’âge de la mère (plus de 35 ans).
Les parents ayant participé aux ateliers se sont attribué un nouveau rôle d’enseignement et de transmission de l’information auprès de leurs proches
L’analyse qualitative met en avant l’importance des interactions en situation, en particulier dans la population qui souvent ne maîtrise pas bien la langue française et qui est particulièrement consommatrice de soins. Les auteurs soulignent que les parents qui ont participé aux ateliers ont amélioré leurs connaissances, se sont sentis rassurés et se sont attribué un nouveau rôle d’enseignement et de transmission de l’information auprès de leurs proches.
Si ce travail préliminaire à petite échelle semble très prometteur, les deux thésardes insistent sur la nécessité de donner aux MSP qui en feraient la demande les moyens de mettre en place des ateliers de formation thérapeutique de ce type. Sans budget alloué, de telles initiatives ne pourront pas être généralisées.
(1) Langlet A. Étude de la consommation de soins non programmés de l’hiver 2022-2023 chez les enfants de 0 à 3 ans dont les parents ont suivi des ateliers d’éducation thérapeutique à la MSP des Mureaux. Thèse 2024
(2) Bento K. Aide à la gestion des viroses hivernales du nourrisson par les parents. Perception des ateliers de prévention « Comment moucher et comment soigner bébé ? » mis en place à la MSP des Mureaux en 2023-2024. Thèse 2024
(3) Lesoin L. Étude des connaissances et du comportement des parents face à la fièvre de leur enfant. Thèse 2016
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