LE QUOTIDIEN : Quel regard portez-vous sur l’évolution du partenariat en santé ?
AMAH KOUEVI : J’observe un intérêt croissant pour le partenariat en santé, notion qui recouvre de multiples aspects. Par exemple, le partenariat de soins, qui rend les patients acteurs de leur prise en charge, se renforce avec de plus en plus de décisions partagées sur la stratégie thérapeutique ou avec la montée en puissance de l’éducation thérapeutique dans le champ des maladies chroniques. Des études scientifiques confirment d’ailleurs une meilleure adhésion aux traitements dès lors que les enjeux de l’accompagnement sont bien compris.
La notion de partenariat renvoie également aux patients qui deviennent des contributeurs actifs aux côtés des professionnels de santé – les pair-aidants en psychiatrie par exemple. Je pense aussi aux patients partenaires qui participent à la recherche en s’impliquant très tôt dans les essais cliniques, dès l’étape du design par exemple, ou qui interviennent dans la formation initiale et continue des médecins et des paramédicaux. Leur valeur ajoutée est également très forte s’agissant de l’amélioration de l’expérience des autres personnes malades. Patients partenaires et représentants des usagers sont aussi de plus en plus souvent associés aux efforts des professionnels pour améliorer l’organisation et faire évoluer les pratiques.
Des études scientifiques confirment une meilleure adhésion aux traitements dès lors que les enjeux de l’accompagnement sont bien compris
Comment réagissent les soignants à cette dynamique ?
Ils s’y intéressent de plus en plus. Un changement culturel est clairement en train de s’opérer. Les progrès ne sont pas homogènes, avec des avancées plus notables dans certaines disciplines comme en diabétologie, en oncologie ou en psychiatrie. Dans ces trois champs, la communauté médicale est davantage acculturée à la contribution des patients. Mais j’observe que le sujet s’étend progressivement à tous les parcours, y compris en soins aigus. C’est aussi en multipliant les collaborations avec des patients partenaires, y compris au bénéfice de soignants challengés dans leur organisation et leurs pratiques professionnelles, que nous progresserons.
Que pensez-vous de l’appel à « responsabiliser » les usagers du système de santé, lancé par le Premier ministre François Bayrou en juillet dernier ? L’expérience patient peut-elle être économiquement « vertueuse » ?
Je préfère ne pas présenter l’expérience patient comme une source d’économies. Lors des dernières Journées internationales de la qualité hospitalière et en santé, j’ai défendu le fait que l’expérience patient pouvait toutefois être une boussole pour la pertinence des soins. En favorisant les actions adaptées aux besoins des patients, on peut optimiser les organisations et faire gagner du temps aux professionnels. C’est ainsi que nous serons plus économes. La majorité des patients sont responsables et conscients des enjeux économiques de notre système de santé même si beaucoup ignorent, par exemple, le coût d’un passage aux urgences. Nous gagnerions sans doute à faire davantage de pédagogie sur ces sujets. Mais évitons les discours culpabilisateurs…
De nombreuses mesures sont déployées pour réduire l’empreinte carbone de la santé. Les patients sont-ils solidaires, voire engagés dans ce mouvement ?
Beaucoup s’interrogent effectivement sur le conditionnement de certains médicaments ou encore sur l’absence de filières de recyclage pour certains dispositifs médicaux en cas de prise en charge à domicile. Tous les citoyens sont appelés à faire des efforts, or ceux qui sont malades perçoivent parfois des incohérences dans le champ de la santé.
Une nouvelle convention publiée au « Journal officiel » début août a fait évoluer les règles de prise en charge par l'Assurance maladie des transports en taxi. Est-ce un risque pour les patients ?
L’évolution exponentielle des coûts de transport impose des mesures que chacun peut comprendre. À titre personnel, je suis particulièrement sensible aux enjeux de confidentialité et je suis perplexe sur la solution du transport partagé. Je ne suis pas spécialiste de ces questions, mais des solutions alternatives peuvent sans doute être envisagées : par exemple, favoriser le transport par les proches en apportant une contribution aux frais qui pourrait se révéler plus pertinente financièrement que le taxi. C’est un sujet qu’il serait sans doute pertinent d’explorer en mobilisant des patients partenaires.
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