Le suicide d’un enfant suscite beaucoup d’interrogations et d’incompréhension et renvoie à l’impensable. Comment un enfant en développement, dont la compréhension de la notion de mort dans toutes ses dimensions n’est pas encore achevée, peut-il avoir des idées suicidaires et se donner volontairement la mort ? Cette question est encore source de controverses. Pour beaucoup d’auteurs, les comportements qui mettent la vie de l’enfant en danger ne sont pas forcément sous-tendus par un désir de mort conscient, et renvoient, selon une conception plus classique, aux équivalents suicidaires. Plus précisément, l’enfant ne peut cognitivement avoir connaissance du degré de létalité d’un acte autodestructeur et adopter de manière délibérée un comportement suicidaire. Ainsi, pour Boris Cyrulnik, un « enfant qui se tue ne se donne pas forcément la mort » (1). D’autres auteurs ont au contraire souligné que l’intentionnalité suicidaire chez l’enfant n’est pas incompatible avec une perception immature de la mort (2). Un enfant peut donc élaborer des idées suicidaires, faire un geste autoagressif même si la notion de mort n’est pas encore complètement établie.
En recrudescence
Les conduites suicidaires des enfant et des préadolescents sont en augmentation ces dix dernières années, dans plusieurs pays et dans des contextes culturels variés. Il est de ce fait essentiel de mener davantage d’études afin de mieux comprendre les facteurs de risque et de protection ainsi que les spécificités de ces comportements. Les rares études d’autopsie psychologique menées sur des préadolescents ont permis d’identifier quelques caractéristiques.
La pendaison demeure la méthode de suicide le plus fréquemment retrouvée, quel que soit le contexte culturel (3). Chez l’enfant, la différence entre les genres est moins prononcée que chez l’adulte, allant jusqu’à une prédominance féminine dans certains pays (Chine, Slovénie, Tunisie…). Les troubles psychopathologiques seraient aussi moins fréquemment retrouvés : dans environ la moitié des cas, les enfants suicidés ne souffraient pas de symptômes psychiatriques ni de troubles psychiatriques caractérisés (3).
Cette différence notable plaide en faveur d’un poids important des facteurs familiaux et environnementaux. Parmi ces derniers, certains événements de vie comme la maltraitance (sous toutes ses formes) représenteraient un facteur de risque majeur. De même, les perturbations importantes et durables de la dynamique familiale constituent des facteurs aggravant ou une cause de la souffrance de l’enfant et de l’échec de ses capacités de résilience face à l’adversité.
Impulsivité
L’acte suicidaire chez l’enfant est souvent marqué par une grande impulsivité, ce qui rend encore plus complexe les actions de prévention. Les facteurs génétiques et neurobiologiques sont importants. L’enfant biologiquement vulnérable sera plus enclin à recourir à ces gestes impulsifs et autoagressifs, en particulier quand il y a échec des stratégies de résolution de problème.
Parmi les autres facteurs de risque, le harcèlement, l’échec scolaire et les difficultés relationnelles précipiteraient souvent le passage à l’acte. L’enfant d’aujourd’hui est exposé au suicide à travers les médias et les réseaux sociaux ; cela doit être pris en considération dans la compréhension du rajeunissement de la population vulnérable.
Les actions de prévention doivent cibler la parentalité, la formation des soignants aux interactions précoces, le dépistage des situations à risque et des familles à problème ainsi que le renforcement des réseaux de soins en santé mentale.
La maltraitance, sous toutes ses formes, constitue un facteur de risque majeur
Pédopsychiatre (Tunis) (1) Cyrulnik (B.). Quand un enfant se donne « la mort ». Attachement et sociétés. Odile Jacob, 2011 (2) Mishara BL. Conceptions of death and suicide in children ages 6-12 and their implications for suicide prevention. Suicide Life Threat Behav. 1999;29(2):105-18 (3) Soole R et al. Suicide in Children: A Systematic Review. Arch Suicide Res. 2015;19(3):285-304
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