Pour le président de l'Institut de cancérologie Sainte-Catherine d'Avignon (ESPIC), l'obligation vaccinale pour les soignants est désormais inéluctable. Il mise sur un recensement précis des personnels non vaccinés et insiste sur la nécessaire pédagogie.
LE QUOTIDIEN : Où en êtes-vous de la vaccination des soignants dans votre établissement, qui assure la prise en charge médicale des patients atteints de cancer ?
ROLAND SICARD : Nous avions commencé, dès février, à organiser un point de vaccination au sein de l'établissement, à destination de notre personnel mais aussi des patients. Dans un centre cancérologique, beaucoup de malades sont immunodéprimés et donc particulièrement à risques face au Covid.
Au départ, nous étions à une quarantaine d'injections par jour. Mais petit à petit ce taux a baissé. Début juin, nous avons tenté de recenser nos personnels soignants pour évaluer le taux de vaccination. Nous avons constaté un taux global équivalent à celui du national, à savoir environ 60 % de personnels vaccinés. Nous sommes allés plus loin dans l'enquête pour vérifier où en était ce taux en fonction des différents métiers. Il est de quasiment 100 % chez les médecins et 80 % chez les infirmières. Mais il est très mauvais chez les aides-soignantes avec seulement 30 % de professionnels vaccinés !
Comment expliquez-vous un taux d'injections aussi faible ?
Il a fallu faire aussi notre autocritique. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné dans notre communication ? Il y a sans doute un gros besoin de pédagogie que nous avons raté. Il faut redoubler nos efforts en ce sens. Est-ce que les aides-soignantes sont une catégorie professionnelle plus sensible à la désinformation et aux fake news ? C'est possible.
Il est aussi probable que certains personnels se soient fait vacciner en dehors de l'établissement sans nous le déclarer. D'autres n'ont simplement pas répondu au questionnaire que nous leur avons adressé. Mais nous employons 400 personnes en tout. Cela fait donc 160 professionnels qu'il reste à convaincre !
Comment comptez-vous convaincre les récalcitrants ?
Ma première attente serait de pouvoir savoir, presque à la semaine, le statut vaccinal de tous mes collaborateurs. Car on aimerait pouvoir faire de la pédagogie ciblée vers ceux qui ne souhaitent pas être vaccinés et connaître ceux qui ne peuvent pas l'être.
Avec cette vision, nous pourrions affecter ces personnels à des postes aménagés ou moins risqués. Mais ceci en toute légalité, sans être qualifiés d'inquisiteurs. Mais tant que nous ne sommes pas sûrs d'avoir une totale protection de nos personnels, nous ne baissons pas nos protocoles de mesures barrières. Gants, masques, blouses… Ces règles strictes, on ne pourra les alléger que lorsqu'on en saura plus sur l'efficacité de la vaccination et quand on aura un taux le plus élevé et exhaustif possible.
Ce recensement précis pourrait être notre « devoir d'été » pour être prêt, à la rentrée, à appliquer des mesures restrictives décidées au niveau national.
Êtes-vous favorable à la vaccination obligatoire des soignants ?
Le Covid n'étant pas près de disparaître, nous n'aurons pas le choix. C'est une alternative qu'on peut repousser mais qui nous rattrapera. Il sera de plus en plus difficile de travailler sans être vacciné contre le Covid. Aujourd'hui, le personnel qui travaille dans les crèches est soumis à des obligations vaccinales et cela ne choque personne.
Je comprends que sur un plan politique, la vaccination obligatoire des soignants n'est pas quelque chose de facile. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il va falloir agir avec du bon sens médical, il faudra d'abord recenser puis faire de la pédagogie.
Pour les récalcitrants, il faudra faire avec le droit social français. Comment, juridiquement, cette obligation pourrait-elle se traduire ? Aujourd'hui, quand un médecin est suspendu par l'Ordre, nous suspendons son contrat de travail car il ne peut plus exercer. Parfois, on le reclasse dans d'autres tâches qui ne sont pas médicales. L'employeur a le choix. En toute logique, c'est ce qu'il faudrait appliquer avec les personnels qui ne veulent pas se faire vacciner.
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