Les « querelles à fleurets mouchetés » entre cliniques et hôpitaux publics, comme la Dr Élisabeth Hubert appelle joliment la guerre tarifaire qui sévit entre les deux grands secteurs hospitaliers, ne concernent pas l’hospitalisation à domicile (HAD). Non pas que la Fédération nationale des établissements d’HAD (Fnehad) qu’elle préside depuis 2006 ne s’intéresse à la problématique des tarifs, mais les enjeux pour l’avenir du secteur sont désormais ailleurs.
Après plusieurs années à « batailler » pour la reconnaissance de cette prise en charge alternative, à cheval entre l’hôpital et le domicile, la Fnehad entre dans une phase nouvelle de son action. Il ne s’agit plus d’augmenter le nombre d’établissements d’HAD sur le territoire (on en compte aujourd’hui 282), mais plutôt de consolider l’existant, de renforcer les structures les plus fragiles dans les territoires et de se lancer dans des projets innovants. « Nous sommes facilement entendus par le ministère de la Santé et par les ARS, les responsables politiques nous citent, nous sommes arrivés presque au bout de tout ce qu’on peut demander au niveau institutionnel et national, s’est félicitée Élisabeth Hubert lors du congrès SantExpo, le 22 mai. La ministre Catherine Vautrin a rappelé en ouverture du congrès notre rôle déterminant. Elle défend une approche territoriale de la santé. Forcément, ça va dans notre sens. »
« On n’opère pas sur la table de la cuisine »
De fait, après une reprise franchement timide de l’activité en post-covid, l’HAD se porte mieux. Elle enregistre en 2023 une croissance de l’activité de 6 % par rapport à 2022 (mais avec une répartition régionale contrastée), avec 168 000 patients pris en charge (+ 10 000 personnes) et 300 000 séjours comptabilisés. En 2022, le secteur avait juste maintenu son activité à hauteur de 6,8 millions de journées d’HAD. Les soins palliatifs représentent désormais 40 % de son activité globale, devant les pansements complexes et soins spécifiques, le nursing lourd, la nutrition entérale et les traitements intraveineux.
« Depuis l’année dernière, nos compétences sont élargies, commente l’ancienne généraliste, ministre éphémère de la Santé sous Alain Juppé. On n’opère pas sur la table de cuisine mais nous sommes présents pour l’obstétrique, l’ante et le post-partum, les enfants de moins de trois ans et la rééducation. D’un statut de secteur généraliste, nous sommes devenus secteur spécialiste. On s’en félicite. »
Face à la pénurie médicale, la Fnehad mise sur le travail partagé avec les CHU pour trouver des spécialistes avec qui collaborer, par exemple par des mises à disposition ou des temps partiels.
La dernière réforme des autorisations a également fait de l’HAD le quatrième grand secteur d’activité à part entière avec la médecine, chirurgie et obstétrique (MCO, court séjour), la psychiatrie, et les soins médicaux et de réadaptation (SMR).
Forte de cette « reconnaissance importante », la Fnehad veut gommer les disparités territoriales dans l’accès à l’HAD. Car si le Centre-Val de Loire (+13 %), PACA (+12 %) ou l’Alsace (+12 %) sont très dynamiques, l’hospitalisation à domicile peine encore à percer dans les régions plus rurales, comme en Auvergne, en Picardie ou dans le Limousin, ou l’activité régresse à près de 3 %. « Ce n’est pas un sujet d’inquiétude, affirme la Dr Élisabeth Hubert, car il est plus facile de travailler en proximité avec des petits centres hospitaliers à Châlons-en-Champagne, Bourges ou Châteauroux. Cette disparité s’explique surtout par les relations fortes que les gros CHU ont noué avec les établissements d’HAD il y a déjà plusieurs années. »
Pallier la pénurie médicale pour les certificats de décès
Pour l’année en cours, la Fnehad veut accélérer sur la possibilité accordée à quelques établissements depuis l’année dernière (sous la forme d’une expérimentation) de faire signer les certificats de décès par une infirmière formée en lieu et place d’un médecin. « Notre activité étant essentiellement du soin palliatif, nous sommes souvent confrontés à des situations dramatiques quand il faut trouver un médecin le week-end ou que le Samu refuse de se déplacer au motif que le patient est décédé », relate la présidente. La loi Valletoux de décembre 2023 a généralisé l’expérimentation à tout le pays, ce dont se réjouit la Dr Hubert. Qui aimerait désormais négocier une enveloppe budgétaire complémentaire pour compenser le paiement des infirmières d’astreinte amenées à signer des certificats.
Concernant les soins palliatifs, la Fnehad espère se rapprocher des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), interlocuteurs naturels en ville sur le sujet au niveau des bassins de vie. La fédération entend aussi développer une « équipe d’intervention rapide staffée », explique la Dr Hubert pour évacuer le cas échéant et « en moins de deux heures » des patients des unités de soins palliatifs vers leur domicile. Pour avoir une infirmière, un médecin, du matériel et un véhicule prêt à tout moment, il faut des moyens. Élisabeth Hubert vient d’obtenir trois millions d’euros de crédits d’amorçage pour ce projet, qu’elle veut déployer dans quinze bassins de vie d’ici la fin de l’année.
Dernier chantier : le développement des chimiothérapies injectables à domicile. Si cela ne représente qu’un faible pourcentage de l’activité d’HAD, l’intérêt pour le patient (et les finances publiques), à qui l’on peut éviter une hospitalisation de jour plus coûteuse, nécessitant parfois un long trajet assuré par transport sanitaire, est évident. Les décrets relatifs à l’expérimentation sur l’octroi de forfaits pour les établissements « adresseurs » (votée dans le dernier budget de la Sécu) verront le jour avant l’été, a assuré Catherine Vautrin à la présidente de la Fnehad.
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