Les PH réclament une vraie remédicalisation de la gouvernance

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Publié le 18/02/2022
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Si le Ségur (et son prolongement) a redonné un peu de pouvoir aux soignants, les organisations de praticiens hospitaliers souhaitent transformer l'essai. La crise sanitaire, expliquent-ils, a prouvé qu'une gouvernance hospitalière partagée était non seulement possible mais pertinente.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Il faut faire confiance aux acteurs du terrain, cesser la tyrannie des petits chefs, des ordres et des contre-ordres, lâcher la bride aux individus comme pendant la crise, car cela marche », plaidait fin janvier le Pr Philippe Juvin, chef des urgences de l'Hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP). Comme beaucoup de ses confrères, l’anesthésiste-réanimateur milite pour une remédicalisation effective de la gouvernance hospitalière « sur le modèle du CH de Valenciennes » (lire page 10), plus de dix ans après la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) qui avait concentré le pouvoir dans les mains des directeurs.

Le Ségur, une étape

Ce plaidoyer pour une médicalisation de la gouvernance était au cœur du rapport du Pr Claris, remis à Olivier Véran en juin 2020. Dans le cadre du Ségur de la Santé, le gouvernement s’est inspiré de ses recommandations pour « renforcer la place des médecins et des soignants ». Promulguée en avril dernier, la loi visant à « améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » (dite loi Rist) a permis des avancées pour mieux associer les soignants aux décisions internes : réhabilitation du service comme échelon de référence en termes d’organisation des soins ; possibilité d’organiser de manière dérogatoire la gouvernance et le fonctionnement médical ; codécisions CME/direction générale sur des points stratégiques ; élargissement du directoire, etc. Quant à l’ordonnance de mars 2021 relative aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) et à la médicalisation de la gouvernance, elle prévoit la création d'une commission médicale de groupement (CMG) dans chaque GHT.

Pour Jérôme Goeminne, président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), ces textes sont « adaptés à la réalité hospitalière ». Il se réjouit de cette dynamique au profit des médecins et soignants, convaincu qu’il faut « davantage déléguer pour promouvoir la confiance et la décision au plus proche du terrain ». Autre motif de satisfaction à ses yeux : « la promotion et l’institutionnalisation d'un temps de formation pour l’ensemble des managers (médecins, soignants, etc.) ». Encore faut-il s’attaquer de front à la « suradministration du système de santé », « desserrer l’étau des contraintes budgétaires et de contrôle, mais aussi celui du poids des normes » pour permettre au personnel hospitalier de « se concentrer sur son cœur de métier », insiste-t-il. 

Gouvernance partagée ?

Le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH), aspire à « une auto-gouvernance qui ne signifie pas de l'auto-gestion », puisque la crise sanitaire a prouvé que l’on pouvait « donner les responsabilités » à ceux qui sont sur le terrain – médecins et paramédicaux. Au-delà des choix stratégiques, les directeurs seraient précieux pour « venir en appui, alors qu’ils décident de tout aujourd’hui ». Et pour remédicaliser concrètement la gouvernance, l’urgentiste du CH d'Agen souhaite que « le chef de service soit élu par ses pairs dans le cadre d’un projet médical ». Aujourd’hui, « il est toujours désigné indirectement par le directeur d’établissement, même si le président de CME a son mot à dire ».

Du côté du collectif inter-hôpitaux (CIH), on considère que l’organisation interne de l’hôpital doit être décidée avec l’accord des équipes de soins dans le cadre d’une « gouvernance partagée ». Et pour ce collectif, « tous les acteurs de l'hôpital, soignants et usagers, doivent être associés aux décisions ». La mise en œuvre des projets ne peut s'opérer « sans dialogue contradictoire avec ceux qui sont concernés ».

Président de la CME centrale de l’AP-HP, premier CHU de France, le Pr Rémi Salomon continue de penser que les directions hospitalières « conservent un fonctionnement trop descendant et qu’elles ne sont pas assez à l’écoute des problématiques des services ». Il milite au passage pour un « décloisonnement » entre le personnel médical et paramédical. Et se dit convaincu qu’il faut améliorer la formation au management des chefs de service et des cadres paramédicaux, seule condition pour « faire de la délégation de gestion et faciliter la prise de décision au niveau des services ». Le modèle du CH Valenciennes serait-il passé par là ?

J.M.

Source : Le Quotidien du médecin