Près de deux ans après le Ségur de la Santé, « l'insatisfaction au travail demeure » diagnostique la Dr Catherine Deroche, sénatrice LR du Maine-et-Loire, rapporteuse d'une commission d'enquête sur l'hôpital dont les travaux ont été présentés fin mars. En effet, si les revenus des médecins - en chirurgie, anesthésie-réanimation et radiologie - varient du simple au double entre le public et le privé, « ce sont avant tout les conditions de travail dégradées qui génèrent une désaffection préoccupante à l’égard de l’hôpital », lit-on dans le rapport de la commission présidée par le Dr Bernard Jomier, sénateur socialiste parisien. Et selon ces parlementaires, la crise sanitaire est venue exacerber la dégradation (depuis une dizaine d’années) de ces conditions de travail.
Ils soulignent en particulier le « niveau élevé de contraintes » : permanence et continuité des soins, dépassements réguliers du temps de travail, horaires décalés. Un constat largement corroboré par les représentants des PH lors de leurs auditions.
Ceux-ci ont aussi insisté sur la détérioration des conditions d’exercice en raison du déficit chronique en soignants (paramédicaux et médicaux). Le recours à l’intérim est facteur de « tensions » pour les praticiens « qui s’investissent durablement dans le service public hospitalier » et se sentent « dévalorisés vis-à-vis de médecins de passage aux rémunérations sans commune mesure avec les leurs », observent les sénateurs.
Revalorisation des gardes
Sur ces bases, les parlementaires estiment nécessaire une meilleure reconnaissance du travail de nuit et de week-end. Autre proposition : faire appliquer systématiquement les obligations réglementaires relatives au temps de travail additionnel (pour les médecins) et aux heures supplémentaires (pour les paramédicaux), mais aussi harmoniser leurs conditions de rémunération. La commission constate en effet que le cadre légal entourant la rémunération des heures sup' est « inégalement appliqué sur le territoire et selon les services ». Les réglementations encadrant le temps de travail additionnel (récupération, versement d’indemnités de participation à la continuité des soins, durée maximale) seraient également « largement sous-appliquées ».
Pour s’attaquer au sentiment de perte de sens exprimé par les soignants, la commission préconise de « remettre le soin au cœur des métiers hospitaliers » et de renforcer la présence médicale auprès des patients. Ainsi, pour libérer du temps médical, les sénateurs prônent simplification et numérisation des tâches administratives, mais aussi le renforcement des effectifs paramédicaux, tout en valorisant le rôle des infirmiers de pratique avancée (IPA). Les ratios « patients par soignant » devront aussi être « significativement renforcés », contrôlés par un mécanisme d’alerte quand les seuils critiques seront atteints. Une stratégie payante dans les pays qui l’ont mise en œuvre (Australie, Irlande), que ce soit sur le plan financier et médical (chute de la mortalité, des réadmissions et de la durée de séjour), constatent les sénateurs.
Enfin, la commission recommande de tenir réellement compte des préconisations de l’Observatoire national de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux. Pour faire face à « l’intensité » et au « morcellement » du travail des soignants, ils évoquent le serpent de mer de la journée de 12 heures. Mais cette organisation ne peut, selon eux, être généralisée à cause « de son impact sur la fatigue des personnels ».
Quant aux questions du logement et de la garde des jeunes enfants, elles devraient aussi être mieux prises en considération. Autant de conclusions qui ont réjoui le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare) qui salue « l’énorme travail d’audition, de haute qualité, et de synthèse dans un temps contraint ».
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