« Dans trois ans, on y est ! On reste sur l’agenda d’une ouverture du futur hôpital en 2027, même si on ne peut jamais être complètement à l’abri d’un retard pour un chantier de cette ampleur… Cela ne va pas être simple. Il va falloir y consacrer beaucoup de temps et d’énergie, mais c’est pour aller vers le mieux », anticipe la Pr Christèle Gras-Le Guen, chef du pôle Femme-Enfant-Adolescent et des urgences pédiatriques au CHU de Nantes.
Dix-huit mois après la pose de la première pierre, le transfert du CHU de Nantes de son site actuel (Hôtel-Dieu, centre historique) vers le quartier en reconversion de l’île de Nantes prend forme. Ce chantier titanesque qui a suscité beaucoup d’oppositions et de polémiques – notamment sur la question capacitaire et la facture finale – suscite encore des inquiétudes de la part des équipes médicales. Mais les praticiens les plus engagés dans la conduite de ce projet voient plutôt le verre à moitié plein.
Nombre de lits versus développement ambulatoire
Après les craintes très vives autour de la future capacité hospitalière, le réajustement opéré a rasséréné une partie des équipes. Sur le nouveau site (où se trouveront la plupart des lits d’hospitalisation), il est désormais prévu 1 527 lits et places en tout, versus 1 384 prévus dans le parc initial du projet (hors lits d’UHCD) annoncés en 2020. Sur le site Hôpital Nord-Laennec (gériatrie et pathologies chroniques) – qui est finalement maintenu – seraient conservés 216 lits. Ce dernier site devrait abriter une majorité de consultations, en raison d’une surface trop réduite sur le site Ile de Nantes. « Au final, le nombre de lits d’hospitalisation reste presque équivalent à l’actuel, en restant très proche de la norme ISO », synthétise le Dr Bertrand Vabres, chirurgien ophtalmologue et chef du pôle PHU 4 (qui regroupe les deux tiers des lits de chirurgie sur l’actuel site de l’Hôtel-Dieu).
Pas suffisant toutefois pour la CGT. « La direction a beau tenter de rassurer, les besoins de santé sur le territoire sont en forte augmentation avec une population vieillissante et de plus en plus précaire, donc ce sera largement insuffisant. D’autre part, tous les lits de chirurgie que nous avons perdus au fil des années ne seront pas compensés. À l’Hôpital Nord sont prévus des lits de médecine et de gérontologie, cela n’a rien à voir ! », recadre Olivier Terrien, secrétaire général CGT au CHU.
En réalité, comme dans la plupart des chantiers hospitaliers actuels, ouverts sur la ville, le repli du nombre de lits d’hospitalisation complète reflète la volonté de réorganiser l’offre dans un contexte de virage ambulatoire, mais aussi de contraintes de personnel. « Le projet du futur CHU repose sur une modernisation des parcours de soins et une accélération de l’ambulatoire », confirme le Dr Vabres, également chargé de coordonner le développement ambulatoire. Selon lui, les mentalités doivent changer. « De nombreux chefs de service ont encore le raisonnement suivant, très viscéral : “Mon nombre de lits fait l’importance de mon service” mais il faut plutôt réfléchir en termes de service rendu à la population ».
Actuellement, 55 % des actes de chirurgie hospitalière nantais sont réalisés en ambulatoire, avec des pointes à 60 % certains mois. L’objectif de 64 % dans les futurs locaux semble donc à la portée des équipes médicales. « Mais la prise en charge ambulatoire nécessite d’anticiper et de tracer toutes les étapes, ce qui impose un gros travail et une bonne organisation des équipes au quotidien. Il y a une marge de progression mais on va y arriver, sachant qu’on est déjà à près de 90 % de la cible, évalue le Dr Vabres. Le gros du challenge est de passer en ambulatoire des chirurgies plus lourdes et complexes, orthopédiques notamment. Nous sommes en train de réfléchir à des parcours adaptés pour les patients concernés ».
Davantage de moyens en pédiatrie ?
La réorganisation interne des services devrait aussi procurer des avantages logistiques, voire permettre à certaines spécialités de sortir un peu la tête de l’eau. « Nous allons passer de 9 à 20 lits d’hospitalisation de courte durée et ils seront contigus aux urgences pédiatriques alors qu’actuellement ces lits sont délocalisés en dehors des urgences, ce qui est très peu pratique au quotidien », illustre la Pr Gras Le Guen. De surcroît, le nombre de places en hôpital de jour pour enfants va doubler, passant de 18 (avec un espace saturé) à 36 dans le futur CHU. Et huit lits supplémentaires vont être affectés aux soins critiques dans cette spécialité, ce qui sera indispensable en période épidémique. Au total, la pédiatrie bénéficiera de 28 lits supplémentaires, ainsi que de 18 places en hôpital de jour. En revanche, le lieu des consultations pédiatriques n’est pas tranché. Or, « notre volume de consultations est considérable, il va nous falloir de grands locaux et tout laisse à penser que les locaux sur l’île de Nantes ne suffiront pas », pointe déjà la cheffe de service.
Le bâtiment des urgences sera lui aussi déménagé sur l’île de Nantes, avec l’objectif d’optimiser l’efficacité des prises en charge. « Aujourd’hui, le centre névralgique est l’Hôtel-Dieu pour les patients polytraumatisés. Mais lors de nos gardes, nous devons régulièrement faire appel à des collègues sur le site de Laennec. Il faut anticiper au maximum mais tous les médecins qui travaillent en multisite savent que cela complique les prises en charge », témoigne le Dr Romain Deransy, anesthésiste-réanimateur à Nantes depuis cinq ans. Des améliorations sont attendues du côté des urgences pédiatriques. « Nous sommes à l’asphyxie avec 120-130 passages par jour en période épidémique. Les futurs locaux seront plus grands et vont nous permettre d’identifier trois filières : médecine, chirurgie-traumatologie et pédopsychiatrie », précise la Pr Christèle Gras-le Guen.
Le défi de la conduite du changement
Concernant les conditions de travail des blouses blanches dans les futurs locaux, des inquiétudes persistent : les bureaux seront-ils obligatoirement partagés ? L’open space gagnera-t-il du terrain ? Le nombre de salles de repos et de pause sera-t-il réduit ? « On ne sait toujours pas où seront les assistantes sociales et les secrétaires, alors que ces postes représentent 80 à 100 personnes ! », s’exclame Olivier Terrien (CGT). « La conduite du changement est un sacré défi, philosophe la Pr Christèle-Gras Le Guen. Il y a des inquiétudes au sujet des locaux, des salles de pause, de l’accueil des familles, de la qualité de vie au travail. Nous tentons de communiquer avec les équipes au fur et à mesure que les informations sont disponibles ». Il reste trois ans pour tenter de convaincre.
Repères
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1 527 lits et places pour l’île de Nantes et 216 à l’hôpital Nord Laennec
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