Plusieurs responsables de la Fédération hospitalière de France (FHF) achèvent un long déplacement dans les territoires ultramarins (Martinique, Guadeloupe et Guyane), du 14 au 19 février. Offre de soins, attractivité, solutions ciblées : depuis Cayenne (Guyane), le président de la FHF, Frédéric Valletoux, a répondu aux questions du « Quotidien ».
LE QUOTIDIEN : Pour quelles raisons avez-vous fait ce déplacement ?
FRÉDÉRIC VALLETOUX : Nous voulions fait part de notre soutien et de notre solidarité aux communautés hospitalières des Antilles et de Guyane. La Guadeloupe et la Martinique sortent doucement d’une quatrième vague terrible, dans des conditions particulièrement difficiles, en raison du climat de tensions sociales. Il s’agissait aussi, à l’approche de notre débat public avec les candidats à la présidentielle, le 17 mars prochain, de confronter nos propositions avec les hospitaliers d’Outre-mer.
Que retenez-vous de vos rencontres sur place avec les acteurs sur le terrain ?
En raison du contexte local, les hospitaliers se posent des questions sur le sens de leur engagement. Mais il y a aussi des éléments positifs. Grâce au Ségur de la santé, des investissements ont été actés : la reconstruction du CHU en Guadeloupe ou les 450 millions d’euros accordés aux établissements publics et médico-sociaux de Martinique.
Reste qu'il y a de fortes craintes sur l'attractivité. Est-ce que l’Outre-mer sera capable de garder ses professionnels et d’en attirer de nouveaux ? Les tensions sur les effectifs sont sans doute encore plus fortes dans ces territoires, compte tenu des tensions sociales.
Par exemple, le service de réanimation du CHU de Martinique est en forte tension. La moitié de leurs lits concernent encore des patients Covid. D’autre part, la fatigue et la crise sociale complexifient le recrutement de médecins. Nous avons rencontré la direction du CHU de Martinique. Certains nous ont dit que les grèves à répétition et les tensions sociales autour de l’hôpital ont nui au bon fonctionnement des écoles pendant deux ans et demi. Donc, c’est encore plus difficile de faire venir des jeunes médecins.
Quels sont les éléments porteurs d’espoir ?
Le plan de relance des investissements mais aussi les multiples projets médicaux vont redonner de l’attractivité à ces territoires. En Guadeloupe et en Martinique, les plateaux techniques peuvent être utilisés par les populations du nord de l’Amérique du Sud ou des îles des Caraïbes, en raison de la technicité et du savoir-faire des équipes françaises. Ces personnes sont prêtes à faire le déplacement pour se faire soigner. Il y a donc une véritable filière de prise en charge de patients étrangers solvables.
Il y a aussi une dynamique autour des maladies tropicales, en termes de recherche et de savoir-faire en infectiologie, notamment en Guyane. Ces territoires peuvent être des fers de lance dans ce domaine pour notre pays.
Comment mieux reconnaître la spécificité de l’Outre-mer ?
Ces territoires sont tellement éloignés que l’organisation de l’offre de soins outre-mer ne peut pas être complètement calquée sur le modèle de la métropole. Les besoins ne sont pas les mêmes. De plus, la Guadeloupe et la Martinique, qui faisaient partie des quatre ou cinq départements les plus jeunes de France il y a dix ans, feront partie des plus vieux de France dans dix ans… Cela donne un peu le tournis, notamment quand on sait que l’on va devoir adapter l’offre à destination des personnes âgées.
Par ailleurs, le modèle des Ehpad est jugé peu attractif par la population dans ces territoires, les gens préfèrent en général rester chez eux. Il faut donc déployer au plus vite un meilleur maintien de ces patients à domicile.
Comment adapter au mieux les ressources financières aux besoins spécifiques de ces territoires ?
Il faut adapter les modèles de financement, en appliquant un coefficient géographique aux recettes des établissements. Ce modèle doit être le même pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion (Mayotte et la Guyane fonctionnent encore avec la dotation globale, Ndlr). Il faut aussi réviser les grilles de tarifs pour revenir sur certaines incohérences et prendre en compte les problèmes médicaux pour certains actes. Pour l’Outre-mer, cette réévaluation des tarifs signifie à la fois valoriser ce que ces territoires proposent, mais aussi intégrer les coûts en termes d’éloignement pour certaines spécialités.
Comment renforcer l’attractivité des territoires ultramarins pour les hospitaliers ?
Cela passe par une revalorisation des salaires mais aussi par l’augmentation de la prime d’engagement des PH dans ces territoires. Il faut aussi renforcer l’offre de formation initiale et poursuivre le développement de « l’universitarisation », là où l’on manque de praticiens. À partir de la 5e ou 6e année de médecine, de nombreux étudiants partent et ne reviennent pas. Enfin, les besoins sont énormes sur les métiers paramédicaux et du grand âge. Il faut donc augmenter l’offre de formation sur place, pour permettre aux personnels soignants de faire carrière outre-mer, de la formation jusqu’à l’exercice.
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