« Si l’hôpital public s’effondre, c’est tout notre système de santé qui s’effondre », a résumé jeudi la Dr Véronique Hentgen, membre du collectif inter-hôpitaux (CIH), auditionnée par la commission d'enquête du Sénat sur « la situation de l'hôpital et le système de santé en France ». La pédiatre du CH de Versailles faisait partie des premiers médecins entendus par cette commission qui a également interrogé jeudi les fédérations hospitalières.
Point de rupture
Postes vacants, absentéisme, conditions de travail dégradées : les représentants des praticiens et des autres soignants ont dressé un tableau sombre du secteur public hospitalier, en écho à la crise d'attractivité actuelle. Pour la Dr Hentgen, « le point de rupture a été atteint » car « nous ne pouvons plus assurer nos missions de soins dans des conditions acceptables ». Et d’évoquer les « très nombreux » exemples de « perte de chances » liés au manque de lits et de personnels.
Quelles sont les causes cette situation décrite comme « catastrophique » ? Tout d’abord, « le couple mortel de la facturation à l’acte et de l’Ondam [objectif national de dépenses d'assurance-maladie] », ajoute la pédiatre des Yvelines qui pense que la tarification à l'activité (T2A) est inadaptée pour prendre en charge les malades chroniques, souvent « délaissées par le secteur privé lucratif ». « La quasi-totalité de la pédiatrie hospitalière est assurée par le secteur public parce qu’elle n’est pas rémunératrice », illustre la Dr Hentgen.
Perte de repères
Deuxième cause majeure du délitement de l’hôpital : la décision « déconnectée des besoins du terrain ». Conséquence, « les considérations financières priment toujours sur celles de la bonne prise en charge des malades », explique encore la représente du CIH, persuadée que la primauté donnée aux impératifs budgétaires pousse de nombreux soignants à quitter le secteur public.
Ce constat critique est partagé par le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH). L'urgentiste du CH d'Agen regrette que la plupart des rapports « n’analysent jamais l’impact médico-économique d’une vie sauvée ». Selon lui, l’Ondam hospitalier, « notoirement insuffisant », correspond à « un transfert de la dette de l’État vers les hôpitaux » pour satisfaire la règle d’or budgétaire européenne. Ce sous-financement chronique de l'hôpital couplé à la T2A aurait selon lui « organisé le délitement hospitalier » et généré une « perte de valeurs et de repères », responsable d’une fuite massive soignants. Il demande à l’État d’éponger cette « dette », mais aussi et surtout, de « réévaluer le budget hospitalier a minima de 15 milliards d’euros par an ».
Un système qui coûte cher
Cette politique budgétaire à l’hôpital a fini par accoucher d’un « système qui nous coûte très cher », explique le Dr Patrick Goudot, vice-président de l’Intersyndicat des praticiens hospitaliers (INPH). Pour le chirurgien, « la déficience de notre système coûte beaucoup plus cher que ce que coûteraient les quelques milliards supplémentaires pour le financer ». Quand la population n’est pas en bonne santé, cela coûte « extrêmement cher », abonde la Dr Véronique Hentgen (CIH).
Revalorisation de la permanence des soins, reconnaissance du temps de travail, reprise des quatre années d'ancienneté pour tous les PH nommés avant octobre 2020, remédicalisation de la gouvernance, restauration d'un dialogue social : la Dr Carole Poupon, présidente de la confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), a énuméré de son côté les multiples doléances portées de longue date par les spécialités.
La PDS pour tout le monde ?
Auditionné également, Frédéric Valletoux, président de la FHF, a milité lui aussi pour une réforme de l'Ondam, déplorant le sous-financement de l’hôpital public depuis une vingtaine d’années. D’après lui, « 80 % des établissements investissent moins de 3 % de leur chiffre d’affaires, ce qui est vraiment insuffisant pour renouveler leurs équipements courants ». Si le Ségur a apporté des réponses, il ne suffira pas à desserrer l'étau, car les économies réclamées à l’hôpital ont représenté près « 10 milliards d’euros ces 15 dernières années », souligne le maire de Fontainebleau.
Fidèle à ses objectifs, le président de la FHF a mis en avant le concept de responsabilité populationnelle à l'échelle de chaque territoire. Ce qui suppose à ses yeux de traiter aussi la question de la permanence des soins des praticiens libéraux. « Chaque médecin, dans le public ou le privé, doit être porteur d’une obligation de permanence des soins », résume-t-il, suggérant que le secteur public assumait largement cette mission de service public.
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