Une fois n’est pas coutume, des médecins du centre hospitalier du Pays d’Aix ont lancé un mouvement de grève dimanche 4 août pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail.
Alors que la grogne hospitalière est bien plus souvent portée par les personnels soignants non-médecins (qui se cantonnent à soutenir chaque action de loin), tous les urgentistes d’Aix-en-Provence et du Pertuis ont décidé de lever le pied. Dans les faits, cela ne change rien à la continuité des soins puisqu’ils ont été tout de suite assignés par la direction, qui confirme que « trois médecins sont toujours présents à l’accueil de la porte des urgences ». Mais la symbolique de l’action n’en est pas moins grande.
Grève pour une durée illimitée
Sans surprise, c’est la pénurie médicale qui a fait sortir de leurs gonds les médecins en poste. En l’état, ils sont douze (en équivalent temps plein) à faire tourner les urgences quand ils estiment que 29 ETP seraient nécessaires pour assurer la permanence des soins « pour un bassin de population de 585 000 habitants », a indiqué par voie de presse le Syndicat national des médecins hospitaliers (SNMH, rattaché à FO), qui soutient le mouvement et a déposé le préavis de grève « pour une durée illimitée ».
Pour les grévistes, « chacun doit être mis face à ses responsabilités dans la situation catastrophique de l’accès aux soins dans le département des Bouches-du-Rhône et les départements limitrophes ». Refusant la « fatalité » de la pénurie médicale qui s’abat tous les étés sur les urgences de France, les médecins aixois regrettent qu’aucune des mesures qu’ils réclament n’ait été mise en place ces derniers mois, malgré plusieurs alertes de leur part. « C’est pourquoi, à ce stade et dans l’intérêt de la population, de l’établissement et du service, notre responsabilité médicale nous contraint à utiliser le moyen de la grève », affirment-ils.
Des réformes « dès le mois de septembre »
Les médecins ont fait remonter à la direction de l’établissement une série de revendications : meilleure gestion de flux des patients sur le plan régional, création d’un protocole entre les Samu départementaux subordonnant l’admission des patients à un accord du médecin responsable de la garde au service d’urgences, meilleure gestion des lits d’hospitalisation, optimisation de soins, sécurisation des équipes, etc.
Lors d’un point presse tenu lundi 5 août, le directeur de l’hôpital, Nicolas Estienne (sur le départ pour cause de retraite), a indiqué que de premiers effets se feraient sentir « dès le mois de septembre » concernant trois demandes des grévistes : la création d’un salon de sortie, l’amélioration du bed management (gestion des lits) et une refonte des conditions d’admission dans le service d’urgences. « Nous étions déjà en train de travailler sur ces trois chantiers, a affirmé le directeur, sans doute n’avons-nous pas assez communiqué auprès des médecins sur le sujet. Nous allons donc accélérer pour leur apporter des réponses opérationnelles le plus vite possible. »
Jugeant qu’aucune des revendications des grévistes n’est « inenvisageable », le directeur a tout de même rappelé que certaines n’étaient pas à la main de l’hôpital. Obtenir quatre postes de docteurs juniors par semestre ? « Cela dépend d’un processus de décision régional, nous pouvons seulement œuvrer auprès des autorités sur l’intérêt à nommer des docteurs juniors chez nous, nous ne pouvons pas le décider », a précisé Nicolas Estienne.
Effet d’empilement
La direction n’a pas pour autant nié les « tensions » qui animent le corps médical. « Nos urgences sont dans une situation tendue depuis de long mois. Il y a un effet d’empilement, tout le monde est un peu à cran », a admis le DG. L’hôpital a par ailleurs fait le choix de ne pas recourir de manière « immodérée » à l’intérim médical mais d’y préférer le temps de travail additionnel assuré par l’équipe en place. Ce qui ajoute à la fatigue et à l’exaspération de certains.
En 2023, les urgences d’Aix-Perthuis ont enregistré 38 000 passages, soit une moyenne de 110 passages par jour avec des pics à 130 en 24 heures. En 2022, la moyenne nationale était de 85 patients par jour. Aujourd’hui, le recrutement est totalement ouvert, précise le Dr Jean-François Laude, chef de pôle des urgences. « Un départ est prévu en septembre, mais deux médecins ont décidé de nous rejoindre et je m’en félicite », a-t-il indiqué. « J’ai le sentiment que la phase la plus critique est derrière nous », a conclu, optimiste, Nicolas Estienne.
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