Vous participez à la manifestation nationale demain pour l’hôpital public, organisée par le collectif du Tour de France de la santé. Quelles sont les raisons de la colère ?
J’y participe en ma qualité de membre du Collectif inter-hôpitaux (CIH). L’objectif principal de cet événement est de remettre l’hôpital à l’agenda politique, ce qui est primordial dans le contexte de confusion actuelle.
Depuis cinq ans, l’hôpital est en crise permanente et continue de se dégrader. Plusieurs années après le Covid, on constate encore dans les services 15 à 20 % de pénurie de personnels soignants. Tous les matins, des patients sont encore sur les brancards. Les patients sont en danger. Nous dénoncions déjà ces dérives un an avant la crise sanitaire. Mais nous n’avons toujours pas observé de changement majeur dans les politiques publiques de santé. Cet engagement, je le tiens plutôt en tant que futur soigné qu’en tant que professionnel. Il faut continuer à nous impliquer pour un accueil universel et pour les meilleures conditions de soins possibles.
Pourquoi avoir choisi ce moment pour lancer ce mouvement ?
Le jeudi 23 janvier, la proposition de loi sur les ratios des soignants, qui recueille l’adhésion de tous les acteurs de terrain et qui a été votée à l’unanimité par le Sénat arrive à l’Assemblée nationale dans une niche parlementaire socialiste. Nous manifestons pour dire aux parlementaires que légiférer sur ce sujet serait un signal fort pour garantir la qualité des soins et les conditions de travail des soignants. Cela permettrait d’éviter les nombreux départs d’hospitaliers dont le rythme reste très soutenu.
On demande à des infirmières de s’occuper de 10 malades ou plus. Elles tiennent un an, un an et demi et après elles craquent. C’est devenu comme Charlot dans les temps modernes. Elles en arrivent à poser des antibiotiques sans dire bonjour, à ne pas pouvoir répondre aux questions ni à rassurer les patients. Le soin ne passe pas que par le technique. Le mouvement n’est pas animé par de la colère, mais surtout par la lassitude. Des choix politiques sont à opérer afin qu’enfin la population puisse bénéficier d’un service public hospitalier qui les soigne dans de bonnes conditions.
La solidarité existe-t-elle encore au sein des équipes lors des coups de blues ?
À Saint-Louis, qui est un petit hôpital, les équipes se soutiennent beaucoup. J’observe beaucoup de personnes qui font de vraies dépressions et sont obligées de s’arrêter, même des médecins, et de tous les âges. Ces personnes ne sont pas fragiles, mais ont du mal à dégrader la qualité de leur travail. Ces situations du quotidien nous rongent. Il y a dix ans, je ne voyais pas des collègues pleurer. Ce blues a commencé un an avant le Covid, au moment où l’activité a commencé à rediminuer, et nous nous étions alors mobilisés. Comme nous le ferons demain.
Y a-t-il des raisons d’espérer une embellie ? François Bayrou a desserré les cordons de la bourse, en annonçant une hausse sensible des dépenses de santé (Ondam) à l’hôpital…
C’est ce qu’il annonce en effet, mais le texte [le budget de la Sécu pour 2025, NDLR] n’est pas encore voté. Il y a toujours de l’espoir, mais je me méfie beaucoup des effets d’annonce, qu’on a connus avec les plans Ma Santé 2022, le Ségur, les diverses missions flash, avec certes des montants importants alloués mais échelonnés sur plusieurs années. Si l’Ondam augmente de façon significative, il faut voir aussi à qui va aller cet argent sur le terrain, étant donné le fort endettement des hôpitaux. Espérons que ces montants ne servent pas uniquement à couvrir la dette. J’attends de voir le texte et les débats parlementaires.
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