Son nom vous dit quelque chose ? Arnaud Chiche, c'est cet anesthésiste-réanimateur qui multiplie les interversions publiques depuis cet été pour raconter avec fougue la crise de l'hôpital et la détresse des soignants. Des professionnels qu'il entend fédérer – tous corps de métiers – pour relancer des négociations avec le gouvernement.
Ayant aussitôt acté l'« échec » du Ségur de la santé fin juillet, le praticien a fondé le collectif santé en danger. D'abord sous la forme d'un groupe Facebook qui a réuni en moins de quatre mois quelque 190 000 « membres », puis début octobre sous le statut d'association. Plus de 8 000 personnes ont pris une adhésion symbolique à 1€ et une pétition a recueilli près de 30 000 signataires réclamant la réouverture immédiate des négos « trop vite entérinées du Ségur »…
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La façon tranchée dont s'exprime ce praticien de 44 ans sur la souffrance des soignants — quelle que soit leur profession — ne passe pas inaperçue. Le Dr Arnaud Chiche, aussi à l'aise devant les caméras que sur son téléphone pour un Facebook live, n'est pourtant pas un militant né. « Je n'ai jamais adhéré à un syndicat ou à un parti politique, confie-t-il. Je n'ai même jamais été délégué de classe ! »
La voie de la médecine a été choisie dans le sillage de son père. Né à Montréal, Arnaud Chiche a grandi en Picardie, étudié à la fac de Lille. Internat au CHU, assistanat au CH de Tourcoing, il est resté dans cette région par amour : « Mon idéal, confie cet aîné de quatre enfants, lui-même père de trois enfants, c'est la famille ». Tant pis pour le projet d'aller dans le Sud : il travaille en réanimation dans la polyclinique à but non lucratif d'Hénin-Beaumont, où il est aussi référent infectieux.
Post viral
Au printemps, la crise du Covid provoque « un premier ébranlement interne ». « J'ai été foudroyé et ému par la bravoure du personnel, médical et non médical, et leur capacité à se mettre en ordre de marche », explique le médecin. À l’époque, les interventions sont déprogrammées, les professionnels redéployés dans les secteurs en tension « sans broncher ». Malgré la peur, l'absence d'équipements et de tests, ajoute-t-il, « tous font le job ». Beaucoup de soignants tombent malades. La première vague passe et suit le fameux Ségur. Une immense déception qui se transforme en colère : « La situation de l'hôpital et la crise sanitaire sont tellement graves… Huit milliards, ce n'est rien ! ».
Le praticien pique un « coup de sang » sur Facebook et publie un premier post en mode « colère maximale ». « Le post devient viral, raconte Arnaud Chiche. Je reçois de nombreux messages qui me disent de créer un groupe. » Il hésite : « Si je le fais, c'est jusqu'au bout ». Fin juillet, il crée son propre collectif pour tous les professionnels du monde de la santé. Une sorte de « petit frère jeune et fougueux » des mouvements hospitaliers créés ces dernières années.
« J'écris à Macron, à Castex, à Véran »
Seul aux manettes, il publie rapidement plusieurs fois par jour et partage nombre de témoignages relayant l'exaspération du terrain. « Les gens vident leur sac ». Le collectif santé en danger devient un porte-voix des hospitaliers en colère.
Le Dr Arnaud Chiche recense les revendications et les idées fusent. Réouverture immédiate des négociations, élargissement aux professions non représentées, valorisation de la pénibilité… « Je veux faire un Ségur 2 dès août, résume-t-il. J'écris à Macron, à Castex, à Véran pour leur proposer. » Malgré les refus, il continue de réclamer un deuxième round à cor et à cri. « L'enjeu, dit-il, c'est de révolutionner la santé et de créer un choc d'attractivité pour l'hôpital et la médecine de ville », « un choc de dignité et de respect » pour les EHPAD et « un choc de confiance et d'espérance pour la santé ». Un plan santé à 100 milliards d'euros, évalue-t-il.
Brigades de réa
En pleine deuxième vague, la bataille continue sur plusieurs fronts. Le collectif a initié la rédaction d'une convention pour la santé, son « ADN ». L'adhésion des futurs candidats à la présidentielle aux propositions qui y figurent « sans exception » constituera un préalable non négociable. « À court terme, poursuit le Dr Arnaud Chiche, nous voulons créer des brigades de réanimation avec des médecins et des paramédicaux experts mobilisables partout. » Quelque 160 volontaires se seraient manifestés même s'il reste bien des obstacles à surmonter pour lancer une telle opération.
Qu'importe : le praticien mise sur ses contacts avec le directeur de l'ARS Hauts-de-France ou même avec Olivier Véran. Le trublion médical de l'été 2020 a gagné en notoriété. Mais sera-t-il écouté ?
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