L'épidémie de coronavirus marquera-t-elle l'an zéro de la reconstruction du système de santé ? Et quelles leçons peut-on déjà tirer, au moins pour le secteur hospitalier ? À l'invitation de l'Université du Change Management en Médecine (UC2M), plusieurs responsables de fédérations hospitalières ont tenté d'apporter des éléments de réponse.
Pour le Pr Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône et vice-président de la Fédération hospitalière de France (FHF), l'épidémie révèle « l'insuffisance » des réponses apportées au malaise profond et ancien de l'hôpital. Sous-investissement chronique, approche comptable, logique tarifaire inadaptée et actes non pertinents : l'élu lyonnais estime qu'il est temps « d'accepter loyalement de refonder notre système de santé » afin de « sortir de cette dommageable logique d'hôpital entreprise, sortir en grande partie du système de tarification à l'activité, et redonner toute leur humanité et leur hospitalité à nos hôpitaux ». Quant aux personnels, ils se sentent toujours « déconsidérés ». Il faut retrouver « l'esprit qui a présidé au moment du Conseil national de la résistance ou de la réforme hospitalière de 1958 », suggère le parlementaire qui voit grand pour la refondation. Autre enseignement majeur : « écouter la base, les professionnels, le terrain », y compris en s'écartant de certains principes « bureaucratiques » et de la technostructure.
La science, juge de paix
D'accord sur une remise à plat, le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer (centres de lutte contre le cancer – CLCC), juge que cette crise illustre la nécessité de redonner une part centrale à la science dans la prise des décisions. « Il faut une approche rationnelle et pasteurienne » et « baser nos décisions médicales et d'organisation sur la science », exhorte le PU-PH, à l'heure ou prospèrent fake news et théories complotistes.
La crise a révélé des dysfonctionnements d'organisation et de coordination sur le plan local, comme le déplore Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). Même si la collaboration public/privé s'est installée, il y a eu des ratés et des retards. Dans le Grand Est, région frappée de plein fouet, dix jours ont été nécessaires pour « armer » les 110 lits de réanimation privés disponibles, faute d'approvisionnement en matériel de protection par l'État. Or, « c'est une erreur de croire que le public aurait pu faire face tout seul », martèle le représentant des cliniques qui fait valoir que « le privé, lucratif et associatif, prend en charge 26 % de la capacité de réanimation nationale ».
In fine, la coopération vitale et la solidarité entre les secteurs, souvent grâce à l'agilité et au dévouement des équipes, sera une des leçons positives. « Nous sommes différents mais nous sommes complémentaires », résume le Pr Jean-Yves Blay. Encore faut-il trouver le bon chef d'orchestre : aux yeux de beaucoup, les agences régionales de santé (ARS) doivent organiser cette collaboration territoriale – y compris avec la médecine libérale – en ayant un rôle de « facilitateur ».
Délivrer les bons messages
La question de la pédagogie des autorités est également posée. Les messages sanitaires ont-ils été pertinents, proportionnés ? Tous les responsables hospitaliers et libéraux font le constat d'un renoncement aux soins, de moindre suivi des pathologies chroniques, de reports d'interventions préjudiciables. « Les patients n'osent plus venir dans les cabinets ou aux urgences », constate Lamine Gharbi. « Il faudra demain un retour des patients », abonde le Pr Jean-Yves Blay. Depuis quelques jours, le gouvernement exhorte les Français à continuer à se soigner... Là encore, les leçons devront être tirées.
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