Les tueries à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher en janvier, l’attaque au AK-47 dans un Thalys en août, et les récents assauts meurtriers au Stade de France, dans les rues de la capitale et au Bataclan, ont confirmé les craintes des spécialistes de l’antiterrorisme : les attentats peuvent désormais survenir partout.
Les hôpitaux ne font pas exception. Après la mobilisation générale pour prendre en charge les victimes des attentats meurtriers du 13 novembre, les établissements de santé franciliens ont encore renforcé les mesures de sécurité.
La vigilance avait déjà été amplifiée après les crimes du 7 janvier. Le dispositif Vigipirate avait été relevé à son niveau maximal, « alerte attentat », dans toute l’Ile-de-France. De nouvelles consignes « immédiatement applicables » sur le territoire ont été données par Matignon dans une note du 14 novembre, dont « le Quotidien » s’est procuré une copie.
Instructions
« Les établissements culturels et cultuels, les lieux de fort rassemblement, les gares, les aéroports [...] constituent des objectifs de sécurité prioritaires », stipule ce document. Les établissements de santé sont directement concernés par les directives du Premier ministre, visant à renforcer le « contrôle d’accès des biens et des personnes » en leur sein.
L’ARS d’Ile-de-France confirme avoir transmis ces instructions à l’ensemble des hôpitaux, cliniques et établissements médicaux sociaux de la région. Concrètement, les établissements sont tenus de surveiller davantage l’accès des locaux à leurs employés (vérification du port de badge), à leurs prestataires (s’assurer qu’une livraison est bien programmée, accompagner un prestataire lors de ses déplacements dans les locaux...) mais aussi aux visiteurs (vérification de l’identité, contrôle visuel des sacs). L’application de ces consignes peut différer d’un établissement à l’autre selon leur taille ou leur activité, précise l’ARS.
Discrétion de l’AP-HP
Conséquence de ces consignes : les hôpitaux ont sollicité du renfort aux sociétés privées de surveillance (voir ci-dessous). « Les vigiles regardent les sacs à l’entrée et demandent parfois d’ouvrir les gros blousons », confie un interne de l’hôpital Necker. À l’entrée des urgences, les véhicules sont très souvent contrôlés.
Même si elle est peu diserte sur le sujet*, l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) prend très au sérieux la question de la sûreté. L’AP-HP dispose en effet d’un responsable « sécurité et actes antimalveillance » sur chacun de ses sites, chargés d’appliquer les nouvelles instructions.
Les référents sécurité de deux établissements contactés par « Le Quotidien » n’ont pas souhaité s’exprimer. « Notre crainte est qu’une attaque puisse se dérouler dans un hôpital au moment même où il devrait prendre en charge les victimes d’un premier attentat », lâche un responsable au siège de l’AP-HP.
Même si elles s’imposent, d’aucuns doutent de l’utilité de ces mesures. « Ce ne sont pas trois vigiles qui vont servir à quelque chose face à des gens déterminés », souligne le Dr Christophe Prudhomme, urgentiste à Avicenne et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF).
Les nouvelles consignes de vigilance (sécurisation des accès, présence de vigiles) s’imposent également aux cliniques qui ont fait leur calcul. « Nous avons estimé à 4,7 millions d’euros leur coût par période de 12 jours pour l’ensemble des cliniques d’Ile-de-France », avance la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP).
La sûreté, enjeu national
Dans toute la France, les hôpitaux ont accentué les mesures de sécurité, comme nous l’ont confirmé les CHU de Poitiers, Saint-Étienne, Lyon et Marseille.
Le CHU de Poitiers ferme ses portes plus tôt (à 21 heures) et conserve un accès unique par les urgences gardées par les agents d’une société de surveillance avec chien. « Des conseils de vigilance ont été donnés à l’ensemble des personnels », explique le directeur du CHU poitevin, Jean-Pierre Dewitte.
Au CHU de Saint-Étienne, le nombre de visiteurs a été réduit à deux ou trois simultanément par patient. La vidéosurveillance est renforcée avec des rondes plus fréquentes. « Nous demandons que les bagages des patients soient étiquetés », déclare son directeur Frédéric Boiron. Les sacs poubelles transparents sont remplacés tous les jours. Les équipements en cas de crise bactériologique et chimique (masques, tenues de décontamination) ont été vérifiés et les blocs doivent pouvoir être libérés dans les deux heures en situation d’extrême urgence.
Ne pas céder à la psychose
À l’Assistance publique - Hôpitaux Marseille (AP-HM), la vigilance informatique est de mise avec des vérifications trois fois par semaine pour prévenir le piratage. Les équipes du CHU phocéen vérifient régulièrement l’exhaustivité du matériel et de l’équipement SAMU dans le cadre du plan blanc.
Les facultés de médecine ont également renforcé leur vigilance. À Bobigny, les cartes d’étudiants et de professeurs sont exigées pour entrer dans le campus. « Nous avons pris toutes les mesures pour assurer une ambiance sereine », commente le doyen de Paris XIII, le Pr Jean-Luc Dumas.
Les établissements de santé ont pris la mesure du risque d’attentat mais n’entendent pas céder à la psychose. « L’hôpital public doit rester un lieu ouvert, nous avons une mission d’accueil 24H/24 », explique Jean-Pierre Dewitte, président de la conférence des directeurs généraux de CHU.
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