L’affaire a fait grand bruit sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Un médecin a été assigné par la direction du CHU d’Amiens pour effectuer une nouvelle garde aux urgences ce dimanche, après en avoir déjà effectué une première, la nuit du vendredi au samedi. Au total, ce chef de clinique du service de neurologie aurait travaillé plus de 72 heures la semaine dernière, soit 1,5 fois la durée hebdomadaire maximale.
En raison de « l’impact physique et psychologique d’une telle charge de travail pour les médecins et les internes », mais aussi des risques inhérents pour les patients, le syndicat Jeunes Médecins a décidé de mettre en demeure le CHU d’Amiens pour non-respect de la législation relative au temps de travail des personnels hospitaliers.
Pour le syndicat, la direction de l’établissement « ne peut ignorer le temps de travail de ses agents au moment où elle décide de les assigner », notamment parce que cela « les oblige à dépasser le plafond hebdomadaire légal ». Or, dans sa décision du 22 juin dernier, le Conseil d’État a rappelé que les établissements doivent se doter, « d’un dispositif fiable, objectif et accessible » pour « s’assurer que la durée de son temps de travail effectif ne dépasse pas le plafond réglementaire de quarante-huit heures hebdomadaires ».
La direction se défend
La direction du CHU d’Amiens a réagi le jour même. « La durée du service hebdomadaire réglementaire de 48 heures est respectée, cette durée s’appréciant de manière mensualisée et lissée sur 4 mois », rapporte « France Bleu ». En raison d’une pénurie de personnels médicaux aux urgences, l’établissement souligne qu’il avait été contraint, mi-août, de rendre obligatoire la participation aux gardes des urgences adultes pour les chefs de clinique et assistants spécialistes en médecine du CHU, « comme cela se fait dans de nombreux CHU ».
Contacté par « le Quotidien », le Dr Maxime Bacquet, secrétaire général de la branche Hauts-de-France de Jeunes médecins, considère qu’il s’agit d’un « mensonge éhonté ». « Par quelle magie managériale, peut-on réussir à respecter un temps de travail de 48 heures quand les semaines de base font 50 heures et quand on n’a aucune journée de récupération en dehors de nos jours de congés annuels » souligne-t-il.
Le pédiatre rappelle également que le chef de clinique réquisitionné avait déjà fait valoir ses droits en début d’été. Celui-ci aurait dit à la direction « qu’il ne participerait pas de manière volontaire à des gardes car il avait déjà largement dépassé ses heures ». Il aurait également « clairement dit qu’il ne participerait que sur assignation, donc il s’agit clairement de représailles », déplore le Dr Bacquet qui précise qu’il s’agit de la première réquisition de l’été.
Risque d'erreur médicale
Cet événement survient dans un contexte de sous-effectifs chronique au service des urgences de l’établissement. Suite à une vague de démissions, il n’y aurait plus que « 18 ou 19 médecins ETP (équivalents temps plein), contre 35 et 40 ETP auparavant », selon le pédiatre de la Somme. La direction aurait donc sollicité les médecins d’autres spécialités pour faire tourner le planning des urgences, « sauf que 99 % des médecins dépassent déjà leurs heures qui ne sont jamais rattrapées », estime le Dr Bacquet,
Conséquence directe : tous les médecins du CH d’Amiens seraient « épuisés », soumis à « un stress physique et psychologique énorme », observe-t-il. C’est la raison pour laquelle beaucoup de jeunes médecins envisageraient de quitter l’établissement.
De son côté, Jeunes Médecins, rappelle que la législation relative au temps de travail « doit s’appliquer dans tous les établissements de France sans exception, et conduire à des réorganisations susceptibles d’éviter la mise en danger des équipes et des patients ». Et pose la question suivante : « Si une erreur médicale était commise dans un tel contexte, qui serait tenu pour responsable ? »
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