Micmac juridique ou règlement de comptes entre partisans et adversaires de la loi de santé ?
Depuis quelques semaines, le monde hospitalier s'agite au sujet du sort réservé à l'activité libérale des PH et PU-PH au sein des hôpitaux publics, permettant à ces praticiens de pratiquer des dépassements d'honoraires. Le chiffon rouge prend la forme d'une éventuelle faille dans la loi de santé de Marisol Touraine, et plus précisément des obligations liées au nouveau service public hospitalier (SPH).
Tout est parti de la décision du Conseil constitutionnel, saisi à l'hiver dernier par l'opposition sur la loi de santé. La droite, reprenant les arguments du secteur privé lucratif, dénonçait une rupture d'égalité entre les cliniques et les hôpitaux : d'un côté, une interdiction absolue de dépassements d'honoraires dans les cliniques pour prétendre au SPH, de l'autre la possibilité pour les PH de conserver leur activité libérale (avec dépassements) dans des établissements éligibles de droit au service public…
Les « Sages » ont pourtant validé l'article de loi et écarté toute atteinte au principe d'égalité entre cliniques et hôpitaux, jugeant que le bloc d'obligations découlant du SPH « s’appliqu[e] identiquement à tous les établissements de santé publics ou privés assurant le service public hospitalier et aux professionnels de santé exerçant en leur sein ». Le message semble clair : les règles seront les mêmes pour tous.
L'avocat Claude Evin voit un loup
Et c'est là que se tapirait le loup. Si, dans le cadre du service public hospitalier, les dépassements sont interdits pour tous les praticiens, quel que soit leur lieu d'exercice, les compléments d'honoraires facturés à la faveur de l'activité libérale à l'hôpital deviennent très difficiles à défendre juridiquement.
Ancien patron de la Fédération hospitalière de France (FHF) et de l'ARS francilienne, l'avocat Claude Evin juge en effet que, sans dérogation spécifique à la loi, les PH pourront certes toujours avoir un exercice privé à l'hôpital mais… sans dépassement d'honoraires. Premier assureur des professionnels de santé, la MACSF - le Sou médical partage cette analyse.
Aujourd'hui, quelque 4 500 praticiens ont une activité libérale à l'hôpital public, à laquelle ils consacrent 10 à 20 % de leur temps. Seulement 2 000 d'entre eux y pratiquent des dépassements. Ces praticiens à temps plein – souvent des chirurgiens, obstétriciens, cardiologues et radiologues à forte notoriété dans les CHU – pourraient donc s'exposer à une interdiction pure et simple de dépassements.
Pour la FHP, le secteur libéral à l'hôpital doit cesser
Interrogée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) sur l'impact de la loi de santé sur l'activité libérale des PH à temps plein, la direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère) maintient que le fait d'interdire les dépassements dans le service public hospitalier ne signifie « en aucun cas remettre en cause la possibilité de facturer des dépassements au titre de l'activité libérale des PH ». Selon la DGOS, cette activité privée s'exerce « en dehors de l'établissement public » (à la demande expresse du patient). Un point qui semble contradictoire avec la loi évoquant une pratique qui a lieu « exclusivement » au sein de l'hôpital…
Face à ces « arguties juridiques », preuves du « génie inégalable de notre technostructure », le président de la FHP Lamine Gharbi prévient : « Nous étudions tout recours possible devant les juridictions compétentes. Nous ne laisserons pas s’installer la moindre forme de distorsion de concurrence, l’égalité de traitement des acteurs hospitaliers devant la loi étant pour nous un principe fondamental. Le secteur libéral à l’hôpital doit donc cesser immédiatement. »
Discrétion des PH
Côté secteur public, on se fait très discret. Sollicitées par le « Quotidien », ni la FHF ni la DGOS n'ont souhaité répondre à nos questions. Les syndicats de PH tournent autour du pot. Le sujet est ultrasensible : l'activité libérale ne s'inscrit pas précisément dans les valeurs du service public. « Ce sujet est de peu d'intérêt pour nous face aux autres enjeux de démocratie hospitalière », indique le Dr Max-André Doppia, d'Avenir Hospitalier.
Au SNAM-HP, le Pr Sadek Beloucif est sur la même ligne, entre non-événement et respect de la loi. « L'activité libérale à l'hôpital n'est pas menacée », assure également Jacques Trévidic, de la CPH. Ce n'est qu'en « off » que les divergences d'analyse éclatent à propos de la fin éventuelle des dépassements d'honoraires à l'hôpital.
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