Six mois de visites de terrain, des dizaines d'auditions, un questionnaire auquel 6 500 cadres et praticiens hospitaliers (PH) ont répondu et un séminaire. Ce long travail préparatoire a servi d'architecture au Pr Olivier Claris pour écrire son rapport attendu sur la gouvernance et la simplification à l'hôpital public.
Tandis que le Ségur bat son plein, le président de la commission médicale d'établissement (CME) des Hospices civils de Lyon, missionné en décembre 2019 par Agnès Buzyn, expose 56 recommandations (dont 20 à concrétiser sous 12 mois) et 27 « bonnes pratiques managériales à généraliser ». Objectif : remédicaliser les instances de décision, valoriser le travail des responsables médicaux et s'affranchir des « irritants du quotidien » qui font fuir PH et paramédicaux vers les ESPIC et les cliniques.
Redéployer les dépenses d'intérim
Ces préconisations tendent vers un même but : recruter et fidéliser les talents. Le Pr Claris l'a constaté à tous les niveaux : « La perte d'attractivité de l'exercice à l'hôpital public […] est notamment liée à des conditions de rémunération jugées insuffisantes au regard des contraintes assumées [par l'ensemble des soignants] comme la permanence des soins, les missions de recours, la prise en charge sociale. »
Plusieurs recommandations portent sur l'attractivité des carrières des PH, en cours de négociation. Le Pr Claris propose de « revaloriser » l'indemnité d’engagement de service public exclusif (IESPE), les gardes et les astreintes mais également d'inciter les PH et PU-PH à « hauts potentiels managériaux » à sortir de leur hôpital de prédilection – souvent un CHU. Comment ? Grâce à la création d'une « indemnité de mobilité » « en faveur des établissements publics les plus en difficulté, mais aussi par une reconnaissance statutaire et la prise en charge des frais de changement de résidence ». Autre suggestion : « permettre le redéploiement des dépenses d'intérim au profit de mesures d'attractivité dans le cadre d’un régime dérogatoire ».
La CME, une « chambre d'enregistrement »
Côté gouvernance, la mission Claris s'intéresse à un « maillon capital » de la chaîne de décision : le duo directeur/président de CME. Pour conforter cette équipe, les experts conseillent de rendre obligatoire la cosignature du binôme sur des sujets marqueurs pour les médecins, dont la désignation des chefs de pôle/service et des responsables d'unité fonctionnelle.
Autre attente forte de la communauté médicale : « systématiser un visa du président de CME sur le volet médical des documents engageant légalement l’établissement » (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, conventions avec les universités et organismes de recherche, etc). Et pour « redonner du poids et du sens » à la CME, souvent cantonnée au rôle de « chambre d'enregistrement », le rapport propose d'étendre son avis aux sujets d'enjeux économiques : plan pluriannuel d’investissement, état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD), etc.
Réhabiliter le service
La mission engage le ministère à mieux rémunérer les praticiens qui exercent des responsabilités. Il faut « garantir au président de CME des moyens dédiés pour accomplir sa mission : temps dédié avec remplacement sur les plannings médicaux, indemnité, collaborateur, secrétariat […] », peut-on lire. « À l’heure actuelle, nous percevons 300 euros brut par mois, ce n'est pas cher payé ! », abonde le Dr Thierry Godeau, patron de la conférence des présidents de CME de CH, « plutôt satisfait » d'un rapport « qui va dans le bon sens sur le rôle de la CME et le management ».
Au niveau du service, « pierre angulaire de l’hôpital » « progressivement dévalorisée », le Pr Claris milite pour une reconnaissance réglementaire du travail des chefs (et adjoints), grâce à une rémunération « directe (prime de fonction, temps de travail additionnel) ou indirecte (cumuls de droits à congés bonifiés ou droits individuels à la formation) ».
Ces préconisations seront-elles reprises ? La communauté médicale en saura davantage la semaine prochaine avec les premières propositions chiffrées du ministère pour revaloriser les carrières.
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