LE QUOTIDIEN : Que pensez-vous de la stratégie du gouvernement pour combattre le Covid-19 et de son application dans les hôpitaux publics ?
FRÉDÉRIC VALLETOUX : Le gouvernement a fait le choix d'une réponse dont l'objectif est double : être le plus transparent possible sur les mesures prises en multipliant les interventions médiatiques que ce soit par la voix d'Édouard Philippe, du ministère de la Santé ou d'Emmanuel Macron lui-même ; faire prendre progressivement conscience aux Français de la réalité de la situation par une gradation de l'effort sanitaire face à cet ennemi invisible qu'est le coronavirus.
Faire comprendre à 67 millions de personnes qu'il ne faut pas se fier aux apparences du retour du printemps et que le danger est là, bien réel, ce n'est pas simple, j'en conviens. Mais il faudra, a posteriori, débattre de la stratégie du gouvernement sur certains points. Je pense à la logistique d'approvisionnement des masques pour les professionnels de santé et à la compréhension du virus par les Français. Nous sommes aujourd'hui au cœur de la bataille, on y reviendra ensuite.
Dans quel état d'esprit est le secteur ? Quelles sont les remontées de terrain ?
Les hospitaliers sont clairement tendus. L'hôpital de Mulhouse accueille 30 patients malades testés positifs au Covid-19 par jour. C'est un territoire qui s'est installé dans une médecine de catastrophe, une médecine de crise. En Alsace, dans l'Oise et dans nombre d'établissements, les effectifs sont sous pression à tous les niveaux. Tous les hospitaliers se demandent s'ils ne sont pas sur un territoire qui va flamber.
Tout le monde est sur les dents. Les EHPAD sont une grosse source d'inquiétude. Enfin, la situation se raidit dans certains hôpitaux franciliens. Je tiens toutefois à rappeler que l'Ile-de-France possède des capacités hospitalières plus importantes en volume que l'Alsace. Il n'y a donc pas de raison d'être pessimiste sur la suite.
Peut-on déjà tirer des premiers enseignements ? Les hôpitaux étaient-ils prêts ?
Il est trop tôt pour analyser la préparation des hôpitaux à la prise en charge des patients contaminés par le Covid-19. Mais une chose est certaine : depuis le lancement du plan blanc, tous les hôpitaux, avec ou sans patients infectés, sont en alerte. Voyant la vague arriver, certains établissements, dans l'Ouest, ont pris l'initiative d'envoyer les personnels en congés pour qu'ils se reposent et puissent ensuite être mieux armés et plus nombreux pour gérer l'afflux éventuel de nouveaux patients. Mulhouse, Compiègne ou Creil étaient-ils suffisamment dans l'anticipation ? Je ne me pose pas la question ainsi. La crise leur est tombée dessus, elle aurait pu toucher d'autres établissements.
L'armée a dû prêter main-forte à l'hôpital de Mulhouse, dépassé. Comment analyser cette intervention exceptionnelle ?
Il ne faut pas y voir le signe que la crise n'est plus maîtrisée par les forces civiles. L'armée intervient aussi en cas de crue ou de catastrophe naturelle, car elle a une capacité d'adaptation et peut apporter une réponse rapide aux besoins du moment, dans ce cas précis aider des établissements qui ont atteint leurs limites.
La distribution rationnée des masques pour les libéraux fait scandale. L'hôpital est-il concerné ?
En ville, il faudra, le moment venu, comprendre pourquoi les libéraux ne sont pas davantage accompagnés par les autorités. Dans les hôpitaux, les premières livraisons reçues n'amènent pas une quantité pharaonique de masques ; elle est même assez faible dans certains cas. La situation est hétérogène mais cette problématique alimente clairement les tensions puisque la protection des professionnels de santé en dépend.
La distribution de masques en nombre insuffisant soulève la problématique du droit de retrait des soignants. Des directeurs d'hôpital ont attiré notre attention sur ce sujet. Si l'on devait en arriver là, le message serait violemment perçu par la population, car il est à l'extrême opposé des valeurs et engagements prônés par les professionnels de santé.
Dans cette crise, quel est le rôle de la FHF ?
Notre mission est d'accompagner les hôpitaux, de répondre aux milliers de questions qu'ils se posent sur l'organisation des équipes, la coopération inter-établissements, le recrutement, l'approvisionnement en médicaments ou des aspects juridiques. Nous relayons les dysfonctionnements auprès des pouvoirs publics. Nous ne tenons pas la comptabilité des lits — c'est le travail des ARS — mais, par exemple, nous alertons l'Éducation nationale sur des points de "grippage" constatés sur la garde des enfants des personnels hospitaliers. Les rectorats sont très tatillons sur les critères d'acceptation. L'administration chipote. C'est un problème que nous tentons de régler.
Avez-vous un message aux libéraux, désormais eux aussi en première ligne ?
J'ai un message particulier à l'intention des médecins des cliniques : l'hôpital est en tension, venez nous prêter main-forte ! À Colmar, des réanimateurs du privé ont rejoint l'hôpital. D'autres établissements ont besoin des spécialistes libéraux. J'appelle à ce que toutes les forces médicales en établissement convergent vers les hôpitaux publics. Réunissons nos forces ! Nous devons travailler ensemble pour vaincre ce virus. C'est la leçon positive de cette crise : peut-être en sortirons-nous renforcés d'une coopération ville/hôpital plus fluide.
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