Cinq mois après la première minute de silence et à trois jours du premier tour de l'élection présidentielle, des soignants se sont réunis, une dernière fois, ce vendredi 8 avril pour protester contre « la mort programmée de l’hôpital public ». L’action symbolique hebdomadaire est en effet arrivée à son terme dans tous les hôpitaux, a confirmé au « Quotidien » le Dr Antoine Pons, qui fut l’un des initiateurs du mouvement, avec cinq autres médecins au CHU de Strasbourg. « Nous avons rempli la mission qui nous tenait à cœur : alerter la population et mettre la santé au cœur du débat dans le contexte des élections présidentielles », estime l’anesthésiste-réanimateur alsacien, satisfait du « relais médiatique important » de son action.
Pour autant, sur le plan politique, « rien n’a changé au niveau national et local », même si « on savait qu’il ne se passerait pas grand-chose durant la période électorale », poursuit celui qui est aussi délégué du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare). À titre d’exemple, le CHU de Strasbourg est toujours « le CHU le plus endetté de France », tandis que le directeur de l’hôpital vient de signer avec l’ARS un contrat d'avenir pour « augmenter toujours plus notre activité avec moins de moyens ».
« Aucun changement de fond »
Constat similaire du côté du CHU de Rennes. « Rien n’a changé, on continue à nous dire que c’est compliqué en raison du Covid, or c’était déjà compliqué avant le Covid », observe la Pr Cécile Vigneau, membre du Collectif inter hôpitaux (CIH). Dans cet établissement, il n’y a eu « aucun changement de fond sur la gouvernance. On n’écoute pas les professionnels qui sont sur le terrain et on continue à dire qu’on n’a pas d’argent ». Cette semaine, la direction a fixé une réunion aux chefs de service « la veille pour le lendemain, donc on a tous décalé nos consultations », raconte la néphrologue bretonne. Au final, « le directeur n’était même pas présent à la réunion », regrette la Pr Vigneau qui voit, dans cette manière de procéder, une forme de « mépris ».
Pire, selon elle, dans la plupart des établissements, les directions feraient passer des messages dans les Commissions médicales d'établissement (CME). « Il va falloir diminuer le nombre de postes pour obtenir les revalorisations du Ségur, nous fait-on comprendre. Donc on ne va pas pouvoir embaucher à cause du Ségur, c’est quand même un comble ! », enrage la Pr Vigneau. Tout cela dans un contexte où le gouvernement a procédé cette semaine à des « mises en réserve prudentielles », ce qui correspond à un gel de 0,7 % des dotations attribuées aux hôpitaux. Pour la néphrologue, cela montre bien que l’on continue à « diminuer le budget des hôpitaux ».
Libérer la parole
Psychiatre depuis 40 ans au CHR de Metz-Thionville, le Dr Pascal Pannetier constate également que la situation n’a pas évolué dans son établissement, à la différence près que la minute de silence a permis de « libérer la parole » des soignants. Vice-président du collectif messin 3APiHoP, créé pour « venir en aide aux gens en souffrance à l’hôpital », le médecin a pris contact avec les syndicats pour organiser pour la première fois cette action symbolique, le 25 mars dernier.
Là-bas, ce sont les propos de la directrice générale du CHR Metz-Thionville qui ont mis le feu aux poudres. Celle-ci a qualifié les médecins de « divas » lors d’un reportage diffusé mercredi 16 mars sur « France 3 », ce qui avait provoqué l’ire des blouses blanches sur les réseaux sociaux. Pour le psychiatre lorrain, cette phrase montre le « mépris » de la directrice à l’égard des médecins. Celle-ci serait « autocratique » au quotidien et continuerait « à prendre des décisions sans concertation ». C’est la raison pour laquelle une pétition, signée par plus 1 800 personnes, réclame son départ.
Pour le Dr Pannetier, cette affaire est symptomatique de la dégradation des conditions de travail à l’hôpital, notamment depuis que la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) de 2009 a « donné tous les pouvoirs aux directeurs d’hôpitaux ». Si « le Ségur a fait de bonnes propositions en termes de conditions de travail, il n’y avait rien de contraignant dans les préconisations d’Olivier Véran », observe le médecin.
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