Anesthésiste-réanimatrice au CHU de Reims, la Dr Emmanuelle Durand a été élue vendredi 14 janvier à la présidence du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-e) qui a procédé au renouvellement partiel de son conseil d’administration. Ancienne vice-présidente, elle succède à la Dr Anne Geffroy-Wernet à la tête du syndicat. Opposé à l'entrée en pratique avancée des infirmières anesthésistes, le SNPHAR-e a déposé un préavis de grève pour le 2 février prochain. Sa nouvelle présidente en explique les raisons au « Quotidien ».
LE QUOTIDIEN : Pourquoi avez-vous déposé un préavis de grève le 2 février prochain ?
DR EMMANUELLE DURAND : Nous avions commencé à travailler avec les syndicats d’infirmiers anesthésistes, avec l’objectif de faire évoluer leur statut. Mais tout cela a été remis en cause par les annonces d’Olivier Véran, le 10 janvier dernier. Le ministre ouvre la possibilité, pour les infirmiers anesthésistes diplômés d'État (Iade), de prétendre à l’intégration de la « pratique avancée ». Il s’est appuyé sur la publication d’un rapport de l’Igas qui est complètement à charge contre les médecins et qui enlève toute plus-value à la prise en charge médicale autour du parcours d’anesthésie.
Le rapport préconise que l’infirmier anesthésiste puisse travailler en toute autonomie et en toute responsabilité dans l’acte d’anesthésie. Mais l’anesthésie ne se réduit pas à un acte, c’est un parcours qui est entièrement médicalisé et c’est justement cela qui garantit la sécurité de l’acte d’anesthésie. Si on estime que l’Iade est autonome et responsable dans l’anesthésie, cela sous-entend qu’il a fait la consultation en amont, qu’il a prescrit les médicaments et la stratégie opératoire et qu’il a géré le postopératoire et ses complications. Mais il n’a pas les compétences pour le faire.
Que demandez-vous aux pouvoirs publics ?
Si on démédicalise le parcours, il y aura une baisse de la qualité et de la sécurité des soins, mais aussi un risque pour les professionnels qui vont engager leur responsabilité. On court aussi le risque d’une médecine à deux vitesses, car il est possible que le patient soit confronté au choix suivant : être pris en charge par un médecin ou un infirmier.
Nous demandons donc au ministère d’engager des concertations tripartites dans la profession, pour que l’on réfléchisse sur ce qui est faisable ou pas. Nous exigeons également le retrait des annonces du ministre qui préconisent un passage en pratique avancée des infirmiers anesthésistes.
Plus généralement, quels sont vos objectifs prioritaires à court et moyen terme à la tête du SNPHAR-e ?
Je désire avant tout défendre la profession des médecins anesthésistes hospitaliers. Je pense notamment aux jeunes (internes, chefs de clinique…) à qui on doit proposer une vie professionnelle aussi heureuse que possible. Je défendrai aussi l’hôpital public, car il faut absolument une offre de soins publique forte pour maintenir un accès égal aux soins à tous, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Cela passera également par la redéfinition de la place de l’hôpital et une véritable coordination entre l’hôpital et l’offre de soins en amont (médecine de ville) et en aval (centre de rééducation, etc.).
Quelles sont les conséquences de la 5e vague sur la situation des blocs opératoires à l’hôpital public ?
Nous essayons de trouver des places aux nombreux patients qui arrivent, ce qui engendre des déprogrammations. Trop de personnes sont en attente d’une prise en charge, car l’hôpital est toujours sous l’eau en raison du Covid.
D'autre part, le personnel hospitalier paramédical est en grande souffrance car il est mis à l’épreuve depuis longtemps. Beaucoup s’en vont, certains sont en arrêt maladie et de nombreux étudiants ne veulent plus travailler à l’hôpital… D’où l’importance de valoriser le métier de soignant à l’hôpital public. Mais il ne suffira pas d’augmenter les salaires, il faudra aussi leur octroyer plus temps pour remplir leurs missions. Si on veut leur permettre de soigner dans de bonnes conditions, il faut recruter plus de personnel soignant.
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