C’est dans une ambiance électrique que la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté mercredi 4 décembre, quelques heures avant la censure du gouvernement, la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé au sein des établissements assurant le service public hospitalier.
Défendu à l’Assemblée par Guillaume Garot (socialistes et apparentés), ce texte transpartisan a déjà été adopté par le Sénat en première lecture il y a près de deux ans. Les députés espéraient pouvoir présenter le texte en séance publique le 12 décembre. C’était sans compter la censure du gouvernement Barnier, qui rebat totalement les cartes, puisqu’aucun texte ne peut être examiné dans l’Hémicycle sans la présence d’un ministre.
Reste que, sur le fond, l’intérêt de la proposition de loi (PPL), qui à l’issue de la discussion, a été adoptée sans modification, demeure. « L’enjeu, c’est de consolider l’hôpital, legs de nos aînés et du Conseil national de la résistance après la guerre. C’est le service public qui a fait la grandeur de la France pour garantir des soins de qualité. Cette PPL suscite une énorme attente de la part des hospitaliers », a prévenu d’emblée Guillaume Garot.
Pour rassurer les députés qui, en commission, sont quasiment tous favorables au projet de ratio mais qui disent vouloir en préciser le cadre, le rapporteur l’a expliqué : « L’objet de la PPL est de fixer un cap et de commencer la démarche. La mise en œuvre sera progressive dans chaque établissement. Cela sera le résultat d’un travail réalisé dans un temps long par la Haute Autorité de santé qui posera ses recommandations. »
Selon le texte de la PPL, l’agence sanitaire devra « tenir compte de la charge des soins liés à l’activité et distinguer les besoins spécifiques liés à la spécialisation ». L’objectif étant que la HAS parvienne à définir « pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier et en tenant compte de la charge de soins associée, un ratio minimal de soignants, par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires ». Ces ratios, à revoir tous les cinq ans, serviront à déterminer le nombre minimal d’infirmiers ou infirmières et d’aides‑soignantes ou aides-soignants de jour et de nuit présents et prévus en équivalents temps plein rémunérés (ETPR), lit-on dans le texte de loi.
Exemples satisfaisants à l’étranger
Pour appuyer son propos, Guillaume Garot s’appuie sur les services qui bénéficient déjà en France de ratios obligatoires comme l’obstétrique, la réanimation, les grands brûlés, l’insuffisance rénale, les patients cancéreux, mais aussi sur les expérimentations à l’étranger. En Californie, la législation sur les effectifs instaurée en 1999 a permis de faire chuter les accidents de travail de 31,6 % parmi les infirmières, tout en réduisant de 69 % les postes vacants. De son côté, l’État de Victoria en Australie a réussi à recruter 7 000 infirmières dans le secteur public en adoptant des lois similaires en 2016.
L’attractivité n’est pas le seul bénéfice. Une étude du Lancet citée par le député de Mayenne a montré que l’investissement financier permettait de baisser le nombre de réhospitalisations et d’améliorer la guérison des patients, et donc de réaliser des économies conséquentes, soit deux fois le montant engagé. Selon le député et médecin Yannick Neuder (DR), le montant à injecter serait proche du milliard d’euros pour recruter plus de soignants. Mais où les trouver ?
Gare à la centralisation
Au-delà de l’aspect financier, quelques oppositions demeurent. « L’absence de normes et de quotas ne répondra pas à la pénurie de soignants et risque de conduire à des fermetures de lits, argumente le député du Maine-et-Loire François Gernigon (Horizons). L’approche centralisée pourrait rigidifier l’organisation hospitalière en contradiction avec la souplesse nécessaire pour répondre aux spécificités locales. » Ce point de vue est partagé par la députée Renaissance de Seine-Maritime Annie Vidal qui souhaiterait que l’on « donne aux établissements la responsabilité de fixer eux-mêmes leurs ratios » et que le périmètre soit limité aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique.
Le Dr Yannick Neuder appelle pour sa part à instaurer des ratios qualitatifs (et pas seulement réglementaires) et compte sur le temps long laissé à la HAS pour commencer à recruter plus de soignants pour répondre en temps et en heure aux besoins, lorsque l’opposabilité des ratios sera enclenchée.
Laurent Panifous, député Liot de l’Ariège et ancien directeur d’établissement, ne souhaite pas que ces ratios alourdissent la surcharge de travail des soignants. Il souhaiterait que ce dispositif rentre dans le cadre d’une loi de programmation « qui ne se fera pas du jour au lendemain », certes, mais qui est sans cesse revendiquée par l’ensemble des fédérations hospitalières.
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