Quand 350 patrons de cliniques se lèvent et applaudissent à tout rompre une ministre de la Santé, à trois mois d'une campagne tarifaire qui s'annonce pourtant délicate, c'est qu'ils ont obtenu de solides garanties pour le secteur privé à but lucratif. Ou bien que la ministre en question s'appelle Agnès Buzyn…
Aux Rencontres de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), jeudi dernier, la locataire de Ségur a convaincu son monde sans faire aucune annonce ni promesse d'ampleur. Lors d'un débat à bâtons rompus avec le président Lamine Gharbi, l'hématologue a discouru « sans notes et en toute liberté », a-t-elle précisé, sur l'actualité et la place des cliniques dans la carte sanitaire.
La ministre qui a dit à quatre reprises vouloir « embarquer » les établissements privés dans la réforme de santé « holistique » qu'elle prépare pour le premier trimestre 2019 bénéficie d'un climat de confiance renouvelée, qu'elle entretient avec finesse.
Le contraste avec son prédécesseur Marisol Touraine, qui avait braqué durablement le secteur privé, sert manifestement Agnès Buzyn. Elle enfile volontiers le costume de la « représentante » de l'ensemble des acteurs du système de santé, elle qui « n'oppose pas les secteurs les uns aux autres », qui est « sans jugement ni a priori », elle enfin qui veut « rendre la confiance à un secteur [les cliniques, NDLR] un peu malmené » par le passé.
Un hochet pour attirer l'attention des maternités
Le président Lamine Gharbi a pourtant porté à sa connaissance plusieurs points de tension qui affaiblissent les 508 cliniques de médecine chirurgie et obstétrique (MCO), en particulier les 130 maternités. Présent dans la salle, Jean-Loup Durousset, ancien patron de la FHP et fondateur du réseau de maternités de Natecia, agitait à la main un hochet géant en signe d'alerte du secteur. « Nos maternités privées sont en grande difficulté. Malgré des efforts de revalorisation, les tarifs de l'obstétrique sont encore en dessous des coûts réels de production de soins », a exposé Lamine Gharbi.
Fin novembre, la branche MCO des cliniques a réclamé de « poursuivre les actions tarifaires » pour contrebalancer la sous-évaluation des césariennes. Elle propose également la création d'une mission d'intérêt général (MIG) « allaitement » et d'un forfait « accueil urgences gynécologiques ».
Les urgences privées gagnent à être connues
La méconnaissance des 130 services d'urgences privés par sept Français sur dix, révélée par un sondage Viavoice commandé pour l'occasion, inquiète fortement le secteur. 58 % des sondés sont convaincus que les soins sont plus chers que dans les services d’urgences publics. « On accueille trois millions de patients par an, 50 à 60 patients par jour alors qu'on pourrait en prendre le double ! s'est désolé Lamine Gharbi. Aidez-nous à expliquer qu'on pratique le tiers payant et qu'il n'y a pas de secteurs II dans nos urgences ! »
Si les cliniques apprécient le passage de cinq à sept ans d'une autorisation d'exercice, elles regrettent toujours le parti pris de certaines agences régionales de santé (ARS) en faveur du « grand frère » – l'hôpital public.
Lamine Gharbi a surtout rappelé ce qu'il aimerait trouver au pied du sapin tarifaire : « On se dit qu'avec un ONDAM général à 2,5 % [objectif national de dépenses d'assurance-maladie, NDLR], un tarif positif a minima de 1 % est possible ! Pouvez-vous prendre un engagement ? » En entrée, une « aide » avant la fin de l'année pour les 120 cliniques les plus en déficit serait grandement appréciée.
Une campagne tarifaire « propre »
Agnès Buzyn n'a rien garanti et a beaucoup souri.
La campagne tarifaire, promet-elle, sera « propre » et « aux rendez-vous des besoins » sur l'accès aux soins et l'amélioration des pratiques. « Il faut que vous me fassiez confiance », a-t-elle insisté. Et de rappeler à bon escient le dégel « emblématique », en une seule fois, de la réserve annuelle prudentielle de 415 millions d'euros, retournés aux établissements de santé avant la fin de l'année.
La ministre a également apaisé les craintes sur le chantier de la tarification hospitalière piloté par la task force Jean-Marc Aubert, attendu mi-janvier. « Je ne vais pas vous brusquer avec cette réforme. On ne transforme pas un modèle en une fois. »
Enfin, pour éviter que les cliniques se sentent ostracisées dans les arbitrages territoriaux (autorisations d'exercice, inclusion dans les GHT, hôpitaux de proximité), Agnès Buzyn l'a assuré : elle sera « très attentive à chaque situation ». « Et puis, c'est difficile de vous exclure, M. Gharbi », a-t-elle osé sous les rires de l'assistance et du principal intéressé.
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