Il y avait probablement très peu de médecins dans les manifestations contre le projet du gouvernement de réforme des retraites qui se sont déroulées jeudi dans toute la France.
Principalement pour deux raisons. La première est que le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans concerne, à vrai dire, assez peu une profession où l'on fait valoir ses droits beaucoup plus tard que dans le reste de la population française. Chez les libéraux, l'âge moyen de départ était en 2021 de 66,3 ans (66,5 ans pour les hommes et 65,7 ans pour les femmes), selon la Carmf. Quant aux praticiens hospitaliers, d'après les données du centre national de gestion (CNG), ils ont remisé leurs blouses en moyenne à 65,8 ans en 2021, six mois plus tard encore que l'année précédente. Un âge qui grimpe même à 66,7 ans pour les PU-PH, pâtissant d'un mode de calcul de leur pension particulièrement défavorable.
Secundo, la bonne surprise est que ces derniers en particulier pourraient sortir gagnants de la réforme. Lorsqu'il a reçu les syndicats hospitaliers avant la présentation du projet, le ministre de la Santé a annoncé la prise en compte des deux sources de revenus des hospitalo-universitaires pour leur retraite, une ancienne revendication et une promesse déjà faite au moment des discussions du Ségur à l'été 2020. Actuellement, ceux-ci ne cotisent que sur leur activité d'enseignement, leurs émoluments hospitaliers étant « considérés comme une "rémunération accessoire" qui n’est donc pas soumise à cotisation et n’ouvre pas droit à une pension de retraite », explique le Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU).
Anomalie
À la clé, des taux de remplacement de revenus à la retraite parmi les plus bas du corps médical et de la fonction publique : un PU-PH faisant valoir ses droits à la retraite à 68 ans à taux plein touche à peine l'équivalent du tiers de sa dernière rémunération d'activité. « Une anomalie qui date des années 60 et qui n'a jamais été réellement corrigée » rappelle le Pr Guillaume Captier, président du SHU. La FHF a déjà débuté les concertations avec le ministère de la fonction publique.
On ignore encore si tout ou partie du salaire pour la valence clinique sera pris en compte. À voir aussi quelle part de cotisations sera payée par le praticien et quelle part par son hôpital employeur. Mais le ministère a commencé à faire tourner les calculettes. Et en dépit du surcoût, la FHF soutient cette évolution. Son président Arnaud Robinet, lui-même MCU-PH au CHU de Reims, y voit aussi un moyen de renforcer l'attractivité des carrières hospitalo-universitaires pour les jeunes, a-t-il confié devant l'association des journalistes de l'information sociale (Ajis) cette semaine.
Opportunité
Les syndicats de PH aussi voient dans la réforme une occasion de rendre plus attractive la carrière hospitalière, à l'heure où 30 % des postes sont vacants. Le Dr François Cibien, président d'Action praticiens hôpital (APH) souhaite une meilleure prise en compte de la pénibilité des gardes et des astreintes. Actuellement, le travail de nuit des PH ne leur permet pas de bénéficier des dispositifs liés à la pénibilité. La FHF n'est pas insensible à cette revendication. « Certains praticiens font jusqu'à une soixantaine de gardes par an, ce n'est pas négligeable, d'autant que ce sont des gardes de 24 heures », souligne Sophie Marchandet, responsable du pôle ressources humaines de la FHF.
La question de la facilitation du cumul emploi retraite pourrait également se décliner à l'hôpital. « Nous aimerions que la concertation puisse porter sur des sujets comme la prolongation d'activité et le cumul emploi retraite » plaide la Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat des praticiens hospitaliers (INPH). « Pendant la crise du Covid, le cumul avait été assoupli notamment au travers de baisses de cotisations afin de le rendre plus attractif », rappelle Sophie Marchandet. Une mesure qui pourrait revenir sur la table. Aujourd'hui, les PH retraités peuvent continuer à exercer jusqu'au jour de leurs 72 ans, une limite d'âge qui a été maintenue jusqu'en 2035. D'après la FHF, cette faculté est aujourd'hui utilisée de manière très disparate selon les spécialités et les régions.
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »