Le Dr Emanuel Loeb vient d’être réélu à l’unanimité à la tête du syndicat Jeunes Médecins (JM). Le psychiatre parisien à exercice mixte – PH et installé en libéral – entame son troisième et dernier mandat à la tête du syndicat. Pour « Le Quotidien », il revient sur les combats prioritaires à ses yeux – respect du temps de travail hospitalier, nouvelle gouvernance et restructuration de l'offre de soins à l'hôpital – mais aussi sur l'échec des négociations conventionnelles chez les libéraux, « une très mauvaise nouvelle ».
LE QUOTIDIEN : Vous venez d’effectuer deux mandats. Qu’est-ce qui vous rend le plus fier ?
Dr EMANUEL LOEB : La première victoire, c’est d’avoir reconstitué une force syndicale visible qui incarne la nouvelle génération. Une force connue de tous, qui peut faire bouger les lignes. Je rappelle que Jeunes Médecins est l’émanation de l’Intersyndicat national des chefs de clinique et assistants (ISNCCA), une structure qui ne fonctionnait pas. Depuis, nous avons gagné en visibilité et en respectabilité.
On peut me reprocher beaucoup de choses. Mais à chaque fois que les tutelles se sont opposées au fonctionnement démocratique, que cela soit pour les URPS ou le Ségur de la santé, elles ont été condamnées par le Conseil d’État. Ce fut le cas à l’époque d’Olivier Véran (opposé à la participation de Jeunes Médecins aux négociations et aux élections professionnelles, NDLR), puis de François Braun qui n’avait pas permis à notre syndicat d’être observateur aux négociations conventionnelles.
Cela montre qu’il est très difficile de faire émerger une nouvelle force politique. Mais cela prouve aussi que la peur peut changer de camp, pour que les administrations, les chefferies de service et de pôle ne puissent plus avoir un sentiment d’impunité.
Quels sont vos prochains combats ?
Nous allons envoyer un courrier à l’ensemble des CHU sur la question du temps de travail des internes et la valorisation du temps de travail additionnel (TTA). On va leur demander de nous transmettre les modalités du décompte du temps de travail. Et on ne va pas lâcher !
Sur la question de la gouvernance à l’hôpital, nous militons pour un mode de gouvernance plus démocratique. Peut-être faut-il aussi limiter dans le temps l’accession à des postes de chefferie de service. Certains le sont depuis 20 à 30 ans. Et dans certains services hospitalo-universitaires, ils sont chefs de service de père en fils. Il y a clairement un problème de renouvellement de personnes. Les mêmes médecins sont toujours en place. Les chefs de pôle restent les mandarins qu’ils ont toujours été. La seule chose qui a changé depuis la loi HPST, c’est qu’on leur dit aujourd’hui : « Tu ne t’occupes plus du pognon. » Rien n'a changé non plus sur les modes de fonctionnement managériaux.
Quelles sont les autres priorités à l’hôpital ?
En réalité, nous n’avons pas de problèmes de lits hospitaliers. On a même beaucoup plus de lits que n’importe quel pays de l’OCDE. On a aussi beaucoup plus d’établissements qu’en Allemagne. Notre problème, c’est qu’on a des petits hôpitaux moribonds avec quelques lits défendus par les élus locaux. Cela ralentit d’ailleurs le virage ambulatoire. Il faut donc restructurer l’offre de soins hospitalière pour permettre la création de gros plateaux techniques qui sont les seuls à même d'assurer la sécurité des soins et qui sont, de surcroît, attractifs pour les jeunes médecins.
Nous désirons aussi redéfinir les activités qui appartiennent au public et au privé. Certaines se prêtent mieux à l’hôpital public, d’autres plus au secteur privé. Enfin, il faut réformer en profondeur les ordonnances Debré de 58 qui ne permettent plus de répondre aux enjeux de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation. Donc il faut revoir le modèle, et décorréler le « U » du CHR, pour permettre à l’université de contractualiser avec l’ensemble des offreurs de soins.
Un mot sur l’échec des négociations conventionnelles de vos confrères libéraux ?
C’est une très mauvaise nouvelle. Jeunes médecins est attaché au système conventionnel car c’est cela qui protège les médecins mais aussi les usagers d’un système à deux vitesses. Il y avait largement moyen de trouver un consensus avec les organisations signataires. Le problème, c’est que la Cnam, et l’administration dans son ensemble, ne font pas confiance aux médecins pour s’organiser !
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