Donner la priorité aux vaccinés contre le Covid dans l'accès aux soins : ce n'est évidemment « pas envisageable » pour les médecins. Mais certains font désormais part publiquement de leur lassitude et de la « complexité éthique » posée par l'afflux de non-vaccinés en réanimation.
Dans une tribune publiée en ligne et dans « Le Monde » du 22 décembre, un collectif d'une quinzaine de médecins de Nouvelle-Aquitaine, en grande majorité réanimateurs, pousse un cri d'alarme et soulève cette question éthique. Le texte relaie l'interrogation d'un collègue « confronté à la déprogrammation de certaines opérations en application du plan blanc ».
« Est-ce normal de priver des malades de lits de réanimation ou de soins chirurgicaux, même non urgents, pour s'occuper de personnes qui ont choisi de prendre le risque de faire un Covid grave alors qu'on peut l'éviter ? », demande ce réanimateur, en pointant du doigt les non-vaccinés. « Est-il juste de laisser une patiente atteinte d’une infection digestive aux urgences sur un brancard pendant dix heures, car le service des maladies infectieuses est rempli par des patients atteints du Covid ? », questionnent les auteurs de la tribune.
« Lassitude »
« Insidieusement, se pose une question du côté des professionnels de santé : est-ce que le statut vaccinal doit être pris en compte dans la priorisation ? », soulignent-ils, rappelant que la solution de ne pas admettre en réanimation les personnes ayant fait le choix de ne pas se vacciner « n'est pas envisageable ». Ils rappellent à ce titre le serment d'Hippocrate, en vertu duquel le médecin doit respecter « toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination, selon leur état ou leurs convictions. »
De plus, les signataires de la tribune rappellent que « le corps médical ne peut ignorer le caractère complexe et très hétérogène des populations refusant encore la vaccination ». Ce refus peut être lié au « manque d’accès à une information juste et bien formulée » et cela « ne signifie pas nécessairement être un antivax ». « Mais la lassitude s’installant, les soignants pourraient avoir du mal à se saisir de cette complexité », soulignent les médecins réanimateurs. « Le médecin, pour sa part, reste avant tout un citoyen (vacciné), frappé par un épuisement au travail, dans un système de santé qu'il voit s'effondrer », relèvent-ils.
« Menaces » pour la population
Le Syndicat de la médecine générale (SMG) s'est également saisi de ce questionnement sur la prise en charge des personnes non vaccinées. « Toute personne infectée par la Covid doit pouvoir bénéficier efficacement de soins, qu'elle soit vaccinée ou non », a insisté le SMG ce mercredi.
Le président de la commission médicale de l'AP-HP, le Pr Rémi Salomon, a jugé ce jeudi 23 décembre sur RTL « compliqué pour les réanimateurs de voir ces patients non-vaccinés qui remplissent les lits et embolisent l'hôpital ». « On est obligé de reporter les soins d'autres patients qui eux sont vaccinés, mais qui ne peuvent pas avoir l'opération qu'ils attendaient, a ajouté le Pr Salomon. Bien entendu, on soigne tout le monde mais vous voyez la complexité éthique de ce problème-là. »
Pour le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), les non-vaccinés « deviennent des menaces pour l'ensemble de la population, en empêchant des gens qui ont des cancers d'être soignés », or « eux-mêmes ne refuseront pas d'être soignés quand ils seront en train d'asphyxier », a-t-il indiqué sur LCI.
Le ministre de la Santé Olivier Véran a rappelé qu'on trouvait dans les services de réanimation deux catégories de patients : « une petite majorité à l'échelle nationale de patients non vaccinés » et « des gens qui sont vaccinés mais qui sont très fragiles » comme des personnes très âgées ou atteintes de maladies chroniques.
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