La colère et l’amertume ne faiblissent pas chez les Padhue. Comme l’an dernier, les résultats des épreuves de vérification des connaissances (EVC 2024) publiés le 31 janvier – étape décisive dans le processus d’autorisation de plein exercice en France – ont laissé de nombreux médecins candidats sur le carreau. Et provoquent beaucoup d’incompréhension. De fait, environ 20 % des postes initialement ouverts lors de cette session du concours n’ont en effet pas été pourvus puisque seuls 3235 candidats ont été admis au concours sur liste principale pour 4 000 postes ouverts.
Depuis quelques jours, les alertes se sont multipliées. La situation est telle que le syndicat national SOS Padhue a interpelé l’Élysée dans une lettre ouverte. « Un chirurgien viscéral s’est retrouvé sur le banc de touche avec 14,25/20 », se désole la Dr Kahina Ireche Ziani, porte-parole.
Recalé en médecine générale avec 11,3 de moyenne
La déception a gagné certains élus. La mairie de la petite commune de Decize, dans la Nièvre, a apporté son plein soutien au collectif Ipadecc (Intégration de praticiens à diplôme étranger engagés contre la crise) dans un courrier adressé au ministre de la Santé Yannick Neuder, avec copie à Emmanuel Macron et François Bayrou. « Nous souhaitons vous interpeller sur les dysfonctionnements graves concernant le concours […] et le scandale qui s’est encore produit cette année, commencent les auteurs de la missive. Une fois de plus, nous constatons avec indignation la suppression d’un nombre considérable de postes initialement ouverts par décret ministériel ».
La commune de Decize, située en plein désert médical, dénonce avec Ipadecc « une gestion opaque et arbitraire du concours », ne comprenant pas pourquoi des candidats n’ont pas été lauréats, avec plus de 10 de moyenne sans note éliminatoire, dans une spécialité pour laquelle le nombre de postes pourvus est bien inférieur à celui initialement prévu par décret.
Le courrier cite les résultats du Dr Abdelhalim Bensaidi, vice-président du collectif Ipadecc, qui s’est fait recaler au concours avec 11,3 de moyenne dans la spécialité médecine générale. Alors que le décret du 30 mai 2024 prévoyait 826 postes ouverts en médecine générale pour cette session des EVC, seuls 563 postes ont finalement été pourvus. « Le dernier reçu a eu 12… En réanimation, le dernier pris a eu 8, cela n’a aucun sens », enrage le praticien qui exerce en France depuis six ans, et qui « bénéficie du soutien et de la validation de son chef de service, de son président de CME ainsi que de l’ensemble des médecins de son établissement ».
Les candidats malheureux s’étonnent aussi du nombre de praticiens inscrits sur la liste dite « complémentaire » dans plusieurs spécialités où tous les postes ouverts initialement ont été pourvus, laissant supposer que des places supplémentaires pourront être attribuées dans ces disciplines. « L’attribution de postes supplémentaires à certaines spécialités […] remet profondément en cause le principe d’égalité entre les candidats », critique le courrier corédigé avec la ville de Decize. En dermatologie par exemple, les 40 postes prévus au départ ont entièrement été pourvus mais plusieurs dizaines d’autres candidats sont inscrits sur liste complémentaire et peuvent espérer devenir lauréats si un poste est laissé vacant lors de la phase d’affectation. « De quel droit ajoutent-ils une liste complémentaire dans certaines spécialités, alors qu’il y a plus de 300 postes non pourvus ailleurs ? », grogne le Dr Bensaidi.
Un jury, des incompréhensions
Le courrier précité appelle une nouvelle fois le gouvernement à prendre en considération l’expérience des Padhue exerçant depuis plusieurs années en France. « Comment comprendre qu’un jury puisse préférer un médecin venant de l’étranger, n’ayant aucune connaissance de notre système de santé, et ayant obtenu une moyenne de 12 au concours, à un praticien déjà intégré, compétent et pleinement engagé au service des patients français ? », peut-on lire. L’Ipadecc milite précisément pour la régularisation « sur dossier » de praticiens qui œuvrent depuis plusieurs années dans les établissements de santé français.
Loin de considérer les EVC 2024 comme un échec, le ministère de la Santé se félicite au contraire de la bonne dynamique observée lors de cette session. « 3 235 candidats ont été admis au concours sur liste principale, alors qu’ils n’étaient que 2 205 au concours 2023, soit une augmentation de près de 50 % », défend Ségur, qui y ajoute les 638 lauréats sur liste complémentaire. « Au total ce sont donc plus de 3 800 praticiens (liste principale et liste complémentaire) qui pourraient venir en renfort au sein de notre système de santé », insiste le ministère mercredi.
Attention toutefois, ces chiffres comptabilisent les 3 044 médecins Padhue lauréats du concours, mais aussi les pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes à diplôme hors UE qui doivent se soumettre à ces épreuves avant d’obtenir le plein exercice dans leur profession.
Réforme des EVC promise mais…
S’agissant de la fameuse réforme des EVC, le ministre de la Santé Yannick Neuder confirme qu’il « faut aller plus loin et simplifier la procédure en place dans la perspective des épreuves de 2025 afin de tenir compte de l’engagement des praticiens diplômés hors Union européenne dans les établissements français ». Pour tenir cet objectif, le cardiologue « souhaite faire évoluer le concours des EVC pour permettre d’amplifier le nombre de praticiens que nous pourrons accueillir dans nos établissements, au bénéfice de la santé de tous les Français ».
Une concertation en ce sens est annoncée afin de réformer le concours dès 2025, en créant notamment une voie interne « simplifiée ». Il est question en effet de scinder le concours en une voie interne pour les praticiens exerçant déjà dans les hôpitaux français et une filière externe pour ceux qui ne sont pas encore en France.
Reste que les premières discussions ouvertes par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS, ministère de la Santé) et le Centre national de gestion (CNG) ne satisfont pas les syndicats et fédérations de Padhue. Mécontents, les membres de l’Ipadecc brandissent la menace d’une action d’éclat. « Nous avons décidé de faire une démission collective, annonce le Dr Abdelhalim Bensaidi. Tous les Padhue en poste depuis plusieurs années et qui ont été recalés avec plus de 10 de moyenne aux EVC démissionneront le même jour ».
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