C'est devenu depuis quelques mois un nouvel angle mort du recrutement à l'hôpital, source de vives critiques des praticiens hospitaliers : les contrats dits « de motif 2 » qui offrent des modalités de rémunération dérogatoires très attractives aux praticiens contractuels – et exposent les hôpitaux à de nouvelles dérives après la régulation des tarifs de l'intérim médical.
Stratégie de contournement
Mais selon nos informations, le ministère de la Santé est déterminé à reprendre les choses en main. Des groupes de travail ont été programmés avec les syndicats représentatifs de PH, en cette fin de semaine. Le premier a trait à la permanence des soins. Le second, précisément, à l’« encadrement du recours » à ces fameux contrats de motif 2, qui ont explosé depuis la loi Rist ayant régulé l’intérim médical en avril.
De fait, si les contrats de motif 2 ont permis, dans de nombreux cas, « de fidéliser les praticiens intérimaires et remplaçants réguliers en leur proposant un exercice salarié stabilisé », le recours étendu à ces contrats génère « des difficultés croissantes au niveau local », peut-on lire dans la note préparatoire du ministère de la Santé que Le Quotidien s'est procurée.
À tel point que beaucoup y voient une nouvelle stratégie de recrutement hospitalier permettant de contourner la loi Rist. D'où la volonté du gouvernement de réguler cette pratique en réservant ces contrats de motifs 2 à ce qui était prévu par les textes, c'est-à-dire uniquement en cas de difficultés particulières de recrutement sur un territoire ou dans une spécialité – le statut de PH devant rester le mode d'exercice majoritaire.
Plafond annuel de 119 130 euros
Pour rappel, les contrats de motif 2 ont remplacé les ex-contrats de praticien clinicien, dans le cadre de la réforme du statut de praticien contractuel en 2022. Comme les anciens contrats de clinicien, les « motif 2 » permettent aux médecins contractuels concernés de bénéficier d'une « part variable », dans la limite d’un plafond annuel d’émoluments de 119 130 euros (hors primes et indemnités, notamment de gardes et astreintes et de temps de travail additionnel). Ces modalités de rémunération dérogatoires sont « particulièrement attractives dans des situations de forte tension sur la ressource humaine médicale », souligne la note du ministère. En contrepartie, le contrat de motif 2 implique (en théorie) la définition d’« objectifs corrélés à la part variable de rémunération et soumis à évaluation ».
Initialement, le recours aux contrats de motif 2 se voulait très encadré : nombre maximal de contrats, nature et spécialités des emplois pouvant être pourvus dans un hôpital donné, durée initiale de trois ans maximum… Quant au praticien contractuel embauché, il devait « s’engager sur des objectifs spécifiques et évaluables », insiste le ministère.
Règles assouplies et dérives…
Mais la réforme des tarifs de l’intérim médical a semble-t-il changé la donne. Si bien que la DGOS (ministère) a été contrainte d’assouplir de facto le cadre de recours aux contrats de motif 2 au printemps 2023. Depuis avril, les ARS sont autorisées à définir des critères de validation de ces contrats « à l’échelle régionale ». Deux autres modalités ont été assouplies : le nombre de contrats autorisés par spécialité et par établissement et l’encadrement « minimal » de la durée du recrutement. Ces ajustements ont provoqué de nouveaux effets pervers, raison pour laquelle le ministère a décidé de mettre le holà, après enquête bilan auprès des ARS cet été.
Premier enseignement : la situation est très contrastée en fonction des régions et des spécialités. Le ratio moyen (hors outre-mer) entre le nombre de contrats de motif 2 signés et le nombre de PH titulaires est de 8 % France entière (soit 3 246 contrats de motif 2 sur 42 963 PH titulaires). Mais ce ratio explose en Corse (97 %) ou en Bourgogne Franche-Comté (31 %)…
Des objectifs généraux surpayés
Surtout, la croissance des contrats de motif 2 a révélé plusieurs types de difficultés. Jugées « particulièrement courtes », certaines durées de contrats ne permettent « ni la fixation, ni la réalisation d’objectifs justifiant l’attribution d’une part variable », déplore le ministère. L'outil est donc dévoyé. De surcroît, certains hôpitaux ont défini des objectifs de portée très générale… correspondant aux activités classiques d'un PH, des objectifs « manifestement sous-dimensionnés au regard du niveau de rémunération contractualisé ». Autre problème, le recours à ces contrats se fait parfois « pour de faibles quotités de temps de travail ».
Plus grave encore, la part variable au « montant plafond », accordée à de jeunes praticiens lauréats du concours de PH ou à des Padhue (praticiens associés) tout juste bénéficiaires d’une autorisation de plein exercice, aboutit à des situations qui « génèrent un problème d’attractivité des statuts de droit commun (PH ou autres praticiens contractuels) », reconnaît le ministère. Certaines rémunérations dérogatoires élevées sont « mal vécues » par les PH titulaires, expliquait dès avril au Quotidien la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare).
Limiter la concurrence et les tensions
Face à ces dérives, les ARS réclament donc un cadrage national strict, allant au-delà de chartes régionales ou de recommandations de bonnes pratiques, afin de « limiter les risques de concurrence entre établissements ou régions et les tensions au sein des équipes médicales et entre praticiens ». La note ministérielle cite ouvertement la problématique des PH titulaires qui « ne perçoivent pas une rémunération dérogatoire équivalente ».
Dans ce contexte, le ministère propose plusieurs modifications pour « harmoniser » les conditions de recours à ces contrats de motif 2 au niveau national, tout en opérant un « rééquilibrage avec le statut de PH » et en favorisant « l’équité » entre praticiens titulaires et contractuels. Ségur évoque d'abord la fixation d'une durée minimale suffisante de contrat (trois ou six mois) pour garantir « un engagement réel du praticien et l’évaluation des objectifs fixés ». La fixation d’une quotité minimale de temps de travail (par exemple 40 %) est aussi préconisée pour faciliter l'intégration du praticien dans l’équipe médico-soignante.
Au chapitre très délicat des salaires, le ministère propose d’inclure, dans le plafond de rémunération des contrats de motif 2, les diverses indemnités susceptibles d’être perçues en sus par le praticien (gardes, astreintes et temps de travail additionnel), ce qui est une façon claire de limiter les émoluments versés. Autre piste : les ARS pourraient renforcer leur contrôle sur le « contenu » des objectifs prévus (et non plus seulement leur existence). Enfin, un PH ne pourrait être recruté en tant que praticien contractuel lors d'une disponibilité.
Toutes ces pistes de régulation seront étudiées dans le cadre de la concertation qui s'ouvre avec les syndicats de PH. Une façon aussi de relancer enfin les pourparlers sur les carrières médicales à l'hôpital, en jachère depuis des mois.
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