Après avoir publié une fiche sur la pertinence des soins dans l’hypothyroïdie en 2019 puis une fiche sur la place des examens d’imagerie dans l’exploration des pathologies thyroïdiennes, la Haute autorité de Santé (HAS) propose des recommandations complètes pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de dysthyroïdies.
Alors que la crise du Lévothyrox a mis en exergue une tendance au surdépistage et au surtraitement, ces nouvelles guidelines incitent à lever le pied sur certaines pratiques.
Le seul dosage de la TSH suffisant en première intention
L’un des objectifs est notamment de rationaliser l’usage des dosages thyroïdiens en réduisant les bilans systématiques. À ce titre la HAS rappelle que sauf exceptions, le dosage des hormones thyroïdiennes n’est pas indiqué chez les patients asymptomatiques. Si la présence de plusieurs symptômes fait suspecter une hypothyroïdie ou une hyperthyroïdie, la HAS introduit le principe de dosages séquentiels. Elle recommande en effet de ne pas réaliser d’emblée l’ensemble des dosages « habituels » mais plutôt de procéder « en cascade » en commençant par la TSH. L’idée est que le médecin établisse une seule et même ordonnance avec les différents dosages potentiellement utiles que le biologiste réalisera ou non dans un second temps (sur le même prélèvement), selon les résultats du premier dosage.
Comme l’a rappelé le Pr Jean-Michel Petit, (endocrinologue à Dijon et président du groupe de travail de la HAS sur les dysthyroïdies) lors d’une conférence de presse, que ce soit dans l’hypo ou l’hyperthyroïdie « le seul dosage de la TSH est suffisant pour éliminer ou conforter le diagnostic ». S’il est normal les investigations peuvent être stoppées à ce stade.
En revanche, en cas de TSH élevée, le laboratoire dosera la T4 L libre (T4L) pour différencier une hypothyroïdie avérée (TSH > 10 mUI/L et T4L < l’intervalle de référence du laboratoire), d’une hypothyroïdie fruste (TSH au-dessus de l’intervalle de référence mais T4L dans la norme). Le dosage de la T3L n’a pas d’utilité. Celui des anticorps anti-TPO (thyroperoxydase) n’est pas nécessaire pour le diagnostic d’hypothyroïdie mais peut être utile pour rechercher une origine auto-immune de la maladie (par exemple, une maladie d’Hashimoto).
La HAS rappelle par ailleurs, que les examens d’imagerie ne sont pas utiles dans la prise en charge de l’hypothyroïdie, excepté dans des indications précises mentionnées dans de précédents travaux.
Pas de traitement systématique dans l’hypothyroïdie fruste
Sur le plan thérapeutique, « pour la population générale, on a souhaité bien marquer la distinction entre hypothyroïdie avérée et hypothyroïdie fruste », souligne le Pr Petit, car la démarche n’est pas la même.
Si dans le premier cas « il y a nécessité de traiter », dans le second cas, le traitement n’est pas systématique insiste la HAS « mais doit être discuté en prenant en compte le contexte clinique, le risque d’évoluer vers une forme avérée et le ressenti de la personne ».
Toujours concernant l’hypothyroïdie, les recommandations se sont par ailleurs penchées plus spécifiquement sur le cas des personnes âgées et de la grossesse. Deux situations où les valeurs de référence doivent être adaptées.
Hyperthyroïdie : mollo sur la chirurgie
Concernant l’hyperthyroïdie, en cas de TSH basse ou effondrée d’autres examens biologiques peuvent être effectués en cascade pour compléter le diagnostic (dosage de la T4L pour distinguer hyperthyroïdie fruste ou avérée) et déterminer la cause de la maladie (dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH pour rechercher une maladie de Basedow en cause dans 70 % des cas d’hyperthyroïdie). « Le recours à l’imagerie n’est, elle, utile que dans des cas précis, par exemple lorsque la palpation révèle des nodules ou des ganglions cervicaux suspects, ou lorsqu’un traitement radical est envisagé ». La HAS rappelle par ailleurs que la scintigraphie n’est pas indiquée dans le cadre du diagnostic d’une maladie de Basedow, la présence d’anticorps anti-récepteurs de la TSH étant suffisante pour confirmer le diagnostic.
Sur le plan thérapeutique, en cas d’hyperthyroïdie fruste, la HAS recommande d’instaurer une surveillance avec un dosage de la TSH tous les 6 à 12 mois. « Le traitement pourra être discuté avec le patient dans certaines situations spécifiques (comme en cas de pathologie cardiaque, de facteurs de risques cardiovasculaires ou d’ostéoporose) ». En revanche, l’hyperthyroïdie avérée requiert la mise en route d’un traitement, par antithyroïdiens de synthèse « car la priorité est de restaurer un fonctionnement normal de la thyroïde ». Une fois cet objectif atteint, « plusieurs options thérapeutiques sont ensuite possibles pour le long terme selon le contexte clinique et les préférences du patient ».
Enfin, alors que la chirurgie « reste beaucoup trop souvent utilisée » selon le Pr Petit, les recommandations insistent sur le fait qu'elle « ne doit être pratiquée qu’en dernier recours et qu’en présence d’un goitre volumineux compressif ou en cas de suspicion de malignité, ou si un traitement radical par irathérapie n’est pas adapté ».
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