Marie, 63 ans, consulte car depuis plus d’un an, elle présente des sensations de brûlures au niveau de la bouche (langue, palais). Ces brûlures sont majorées en fin de journée, ne troublent pas son sommeil, et sont modérées lors des repas. Un collègue consulté plusieurs fois a effectué différents examens biologiques (NFS, CRP, bilan hépatique, thyroïdien) qui se sont révélés normaux. Notre confrère lui a alors prescrit un traitement tricyclique, lui expliquant que sa symptomatologie n’était pas en rapport avec une pathologie organique. L’examen clinique général se révèle satisfaisant. En revanche, nous retrouvons deux anomalies linguales : langue plicaturée ou scrotale avec des plis prononcés (cliché 1, flèche verte) ; langue géographique se caractérisant par des zones dépapillées dont la bordure est bien limitée (cliché 1, flèche rouge). Cette description clinique correspond au tableau de glossodynie.
La glossodynie (ou stomatopyrosis, glossopyrosis, stomatodynie, burning mouth syndrome) se caractérise par une sensation de brûlure au niveau de la muqueuse buccale sans qu’une cause spécifique soit déterminée. Cette définition a été validée et proposée par l’IASP (International Association for the Study of Pain). La glossodynie concerne davantage les femmes (cinq fois plus que les hommes), et le plus souvent entre 60 et 70 ans.
SYMPTOMATOLOGIE
Il existe fréquemment des anomalies morphologiques de la langue (comme dans notre cas clinique) de type langue plicaturée ou langue géographique.
Trois manifestations cliniques sont classiquement objectivées :
→ La douleur buccale
Il s’agit d’une douleur de type neuropathique qui est permanente, et se majore au fil de la journée, surtout lors des périodes d’anxiété et d’asthénie. L’ensemble de la bouche est concerné par cette manifestation. Cependant, le plus souvent, l’atteinte concerne les bords latéraux et la pointe de la langue.
→ Une dysgueusie
Elle est plus importante chez les personnes ayant une grande efficience gustative (testeurs, œnologues). On objective généralement dans cette situation une atteinte trigéminée (nerf V). Mais il est également possible de retrouver une atteinte du nerf facial (VII) ou du nerf glossopharyngien (IX).
→ Les anomalies de la sécrétion salivaire
Il s’agit d’une hypersécrétion salivaire avec une salive plus épaisse et adhérente. Un prélèvement salivaire montre une importante concentration en potassium, protéines et phosphatases alcalines.
ÉTIOLOGIE
Certaines étiologies doivent être recherchées car elles peuvent expliquer ces manifestations cliniques :
• des facteurs dermatologiques et infectieux (lichen plan, atrophie linguale, pemphigus, candidose),
• des pathologies générales (diabète de type 2, pathologies auto-immunes, déficits hormonaux – chez la patiente ménopausée surtout –, allergies à certains composés utilisés en dentisterie),
• des pathologies neurologiques de type neuropathies, les syndromes parkinsoniens ou les maladies de Parkinson ou liées à un traumatisme de nerfs crâniens,
• des pathologies iatrogènes (des médicaments comme les IEC, certaines chimiothérapies, la radiothérapie),
• des déficits de certains éléments traces (zinc et fer) ou de vitamines (vitamine B1, B2, B6, B12).
Cependant, il existe très souvent associée à cette symptomatologie une anxiété sous-jacente ou un état dépressif, symptomatologie qui est parfois au premier plan.
Dans 1/3 des cas, la glossodynie est consécutive à des soins dentaires. Enfin, dans près de 30 % des cas, on ne retrouve aucune étiologie à la glossodynie.
TRAITEMENT
Aucun traitement n’a montré actuellement sa supériorité. Différentes molécules sont utilisées et peuvent être recommandées : les benzodiazépines (clonazépam), les antidépresseurs (amitriptyline), les anticonvulsivants (gabapentine, prégabaline).
Bien entendu, il est important d'analyser la balance avantages/risques de ces différentes molécules proposées. En effet, les effets secondaires peuvent majorer les plaintes des patients, voire en ajouter d’autres.
Il est également possible, en cas d’état dépressif exacerbé, de recommander une prise en charge psychiatrique. Dans ce cas, les études montrent que la psychothérapie est la meilleure alternative.
Enfin, malgré une prise en charge adaptée, il ne faut pas oublier que dans seulement 40 % des cas, on observe une amélioration de la symptomatologie.
Bibliographie
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