Des recommandations de bonne pratique sur les médicaments de la douleur de l’enfant ont été réalisées en 2009 par l’AFSSAPS (3).
Les douleurs par excès de nociception : les 3 paliers selon l’OMS
Les antalgiques du niveau 1 sont prescrits d’emblée à dose maximale, il est inutile et même dangereux d’augmenter la posologie si l’analgésie est insuffisante.
Dans ce cas, il faut associer un autre antalgique plus puissant.
- Paracétamol : par voie orale, il est prescrit à 15 mg/kg toutes les 6 heures.
La voie rectale est à éviter car l'absorption est faible car pour obtenir un taux plasmatique équivalent à celui de la voie la posologie devrait être augmentée à plus de 30 mg/kg en prise initiale.
- L’ibuprofène : la posologie est de 10 mg/kg toutes les 8 h (maximum 400 mg/prise).
L’AMM est à 3 mois ; on doit prescrire à un enfant de 20 kg des comprimés de 200 mg.
Il existe en France une défiance largement injustifiée vis-à-vis de cette famille médicamenteuse et en particulier de l’ibuprofène.
Les grandes études de cohorte, toutes les méta-analyses comparant paracétamol et ibuprofène n’ont pas montré de différence dans les effets indésirables.
Le risque infectieux est en France largement surestimé : une majorité de pays recommande l’ibuprofène en 1re intention dans la fièvre de l’enfant.
Les craintes françaises vis-à-vis d’une infection après chirurgie dentaire ou ORL sont en décalage avec les pratiques des autres pays .
Cet AINS possède une bonne marge de sécurité. Son utilisation est déconseillée en cas de déshydratation ou de suspicion de varicelle.
L’ibuprofène est le produit de référence pour les douleurs en traumatologie, son efficacité est supérieure à celle du paracétamol, de la codéine seule.
L’ibuprofène est également recommandé dans les suites d’une amygdalectomie chez l’enfant.
- Le kétoprofène existe en sirop pédiatrique (AMM 6 mois), il est prescrit à la dose de 0,5 mg/kg soit une mesure/ kg, 3 à 4 fois par jour.
- Le diclofénac en suppositoire est prescrit à la dose de 1mg/kg/8h seulement en cas d’impossibilité d’utilisation complète de la voie orale.
Les suppositoires d’acide niflumique sont à éviter en raison d’une mauvaise biodisponibilté.
Les antalgiques du niveau 2 : les morphiniques faibles
Depuis 2013 , la codéine n’est pas recommandée chez les patients de moins de 12 ans (15). Toutefois, un patient qui a déjà reçu et bien toléré ce produit peut en bénéficier à nouveau.
- Tramadol : gouttes (AMM à 3 ans) 1 goutte = 2,5 mg
La posologie est de 1 mg/kg toutes les 8 heures ; ne pas dépasser 2 mg/kg 4 fois par jour ( pour 20 kg : 8 à 16 gouttes par prise).
Effets secondaires : nausées, vomissements, constipation, et somnolence.
- Nalbuphine : opioïde faible « agoniste-antagoniste » injectable.
La posologie est de 0,2 mg/kg toutes les 4 heures (perfusion lente IV en 5 à 10 minutes) ; 0,4 mg/ par voie rectale (produit de choix aux urgences).
Il existe un effet plafond car les effets cliniques n’augmentent pas au-delà de 2 à 3 mg/kg/jour.Le seul effet secondaire est une sédation initiale qui peut gêner l’évaluation du niveau de douleur par l’enfant ; en raison de l’effet plafond, on n’observe pas de dépression respiratoire en cas de surdosage.
Les antalgiques de niveau 3 : la morphine
La « bonne » posologie est celle qui permet la meilleure analgésie, avec le moins d'effets indésirables.
L’insuffisance rénale expose au risque de surdosage.
La biodisponibilité de la morphine orale est faible : de l'ordre de 25 à 30 %.
Pour trouver la posologie de la voie orale, il faut multiplier par 3 ou 4, la quantité donnée par voie IV.
- Morphine orale.
Les différentes présentations de morphine orale à libération immédiate (LI) :
– comprimé sécable 10 mg, 20 mg ou gélule 5 mg, 10 mg, 20 m;
– solution buvable : soit 20 mg/ml en flacon compte-gouttes de 20 ml (1 goutte = 1,25 mg de morphine), soit en forme unidose de 5 ml contenant 10, 30 ou 100 mg de morphine LI.
Présentations de la morphine retard « LP » : gélules ou comprimé de 10, 30, 60, 100, 200 mg. L’efficacité débute seulement 2 à 4 h après la prise et dure environ 12 h.
Modalités : prescrire de la morphine à libération immédiate (LI) 0,2 mg/kg toutes les 4 heures. Cette posologie de départ sera augmentée (par palier de 50 %), en cas d’analgésie insuffisante après 2 prises.
Au bout de 24 heures lorsque l’équilibre antalgique est satisfaisant, la dose totale de morphine nécessaire est atteinte, la morphine LI sera répartie en 2 doses de morphine LP.
Pour un enfant de 20 kg, on prescrit 4 mg de morphine toutes les 4 heures ; si persistance des douleurs une heure après la première prise, redonner 2 mg de plus ; si amélioration, prévoir de donner plutôt 6 mg à la prise suivante, puis toutes les 4 heures de manière systématique.
Toute prescription de morphine LP doit être accompagnée d’interdoses de morphine à libération immédiate qui seront administrées en cas de douleur entre deux prises. Classiquement, les interdoses sont d’environ 1/10e de la dose de morphine retard.
Le délai minimum entre deux interdoses est de 60 mn en cas de douleur.
- Morphine IV.
Titration initiale : dose de charge de 0,1 mg/kg (généralement la dose maximum, limitée à 6 mg peut être augmentée selon le contexte clinique).
Chez l’enfant de moins de 6 ans (qui ne peut utiliser la PCA), on utilise une perfusion continue (avec une valve anti-reflux).
– Enfant de moins de 3 mois : débit continu 0,01mg/kg/h; augmentation par palier de 30 à 50 %.
– Enfant de 3 mois à 5 ans : débit continu 0,02 mg/kg/h ; augmentation par palier de 30 à 50 %.
– L’utilisation du mode PCA (analgésie contrôlée par le patient) concerne des enfants de plus de 5 ans.
- Bolus : 0,020-0,040 mg/kg initialement. Période réfractaire : habituellement 6 minutes.
La prescription d’un débit continu doit être discutée surtout chez les plus jeunes qui risquent d’abandonner la technique faute de soulagement rapide.
Posologie initiale : 0,020 mg/kg/h.
La « dose cumulée maximale des 4 heures » doit en principe tenir compte du débit continu et de tous les bolus autorisés pour les 4 heures.
L'information des parents et de l'enfant est essentielle ; des documents spécifiques sur la PCA en facilitent la réalisation (disponibles sur sparadrap.org).
- Effets indésirables
La somnolence excessive est le premier signe de surdosage. Elle doit être systématiquement recherchée à l'aide d'une échelle de sédation.
La dépression respiratoire survient après une sédation importante non diagnostiquée. Elle peut être provoquée par l’administration combinée de produits sédatifs (benzodiazépine…).
Une fréquence respiratoire inférieure à 10/minute doit alerter les soignants.
La constipation est constante après 48h de traitement.
Les nausées et vomissements peuvent nécessiter une baisse de la posologie.
Les cauchemars, les hallucinations restent exceptionnels.
Certains sujets peuvent présenter des céphalées.
Rétention d'urine : injecter des bolus de naloxone de 0,5 à 1 microgrammes/kg répétés toutes les 5 min jusqu'à l’obtention d’une miction.
Le sondage vésical (sous inhalation de mélange équimolaire oxygène protoxyde d’azote [MEOPA]) est réalisé uniquement en cas d’inefficacité de la naloxone.
Attention la titration de naloxone peut lever l’analgésie.
Le prurit : les antihistaminiques ont des effets sédatifs qui peuvent potentialiser de façon peu prévisible ceux de la morphine. Il faut privilégier la naloxone en première intention.
Traitement standard de tout effet indésirable : naloxone IV continu : 0,25 microgramme /kg/h (une ampoule contient 0, 4 mg).
Cet antagoniste de la morphine à petite dose diminue les effets indésirables sans gêner l'action antalgique.
Anesthésie locale
La crème anesthésiante contient de la lidocaïne et de la prilocaïne, elle doit être appliquée sur peau saine pendant au moins 60 minutes.
La profondeur de l’anesthésie cutanée varie avec le temps d’application : une application de 60 minutes procure une anesthésie d’une profondeur de 3 mm ; la profondeur maximum, 5 mm, est obtenue durant 30 minutes après une application d’une durée de 90 minutes ou pendant une heure après une application de 120 minutes.
Les douleurs neuropathiques
Ces douleurs associent des troubles de la sensibilité (paresthésie, dysesthésies, hypoesthésie hyperesthésie, sensation de brûlure …) et souvent des accès fulgurants (« décharge électrique »…). Ce type de douleur répond mal ou pas du tout aux médicaments des douleurs par excès de nociception.
Elles signent une souffrance nerveuse (compression, section, toxicité…).
Pour la douleur de fond : amitriptyline per os à la dose de 0,3 à 0,5 mg/kg/ jour ; cette posologie est atteinte progressivement en commençant par 0,1 mg/kg. 1 goutte = 1 mg.
Pour les fulgurances associer une prescription de clonazepam (anticonvulsivant) per os débuté à la dose de 0,025 mg/kg/jour et augmenté progressivement jusqu'à 0,050 à 0,1mg/kg/jour. 1 goutte = 0,1mg. Pour un enfant de 20 kg débuter progressivement avec 0,5 mg/24 h soit 5 gouttes le soir.
En cas de mauvaise tolérance de ces traitements et en particulier la somnolence, la gabapentine est une alternative.
Mélange équimolaire oxygène / protoxyde d'azote (MEOPA)
- Les effets cliniques.
Le MEOPA associe une action anxiolytique, euphorisante (gaz hilarant) et un effet antalgique. L'état de conscience est modifié (sédation consciente), le sujet reste éveillé, peut dialoguer; les perceptions sensorielles sont modifiées, dissociées. La rapidité d'action (3 minutes) et la réversibilité (moins de 5 minutes) représentent l'autre spécificité de ce mélange.
- Les effets indésirables.
Ils sont rares et réversibles en quelques minutes : les nausées et vomissements sont sans incidence clinique (les réflexes laryngés sont présents), parfois une sédation plus profonde , une « excitation » sont observées, une sensation de malaise, dysphorie peut être retrouvée chez les sujets anxieux.
- Modalités d'administration.
L'auto-administration doit être privilégiée mais elle n'est pas possible chez les enfants âgés de moins de 4 ans.
L’application du masque sur le visage de l’enfant induit chez certains, une détresse majeure, il ne faut pas appliquer le masque de force.
Une difficulté notable consiste à faire accepter « spontanément » le masque par l'enfant ; sinon la contrainte physique induira une agitation qui ne pourra pas être réduite par le MEOPA. La présence des parents est souvent très utile pour limiter la détresse des enfants.
L'inhalation doit obligatoirement être continue et d'une durée minimum de 3 minutes avant le début de l'acte douloureux.
La préparation du patient est essentielle, les effets du MEOPA et la réalisation du geste doivent être expliqués : description précise des différentes phases du geste, des différentes sensations ressenties (distorsion des sons, fourmillements, rêves, euphorie, pseudo-ivresse...) en restant le plus près de la réalité (tu ne dormiras pas, tu auras moins peur et moins mal).
Rapidité d’action, réversibilité, très grande sécurité, jeûne non nécessaire, simplicité constituent les atouts de cette méthode. Mais la puissance reste faible, 10 à 30 % d’échecs sont observés il faut alors prescrire des produits plus puissants. Les enfants de moins de 3 ans peuvent avoir des effets beaucoup moins marqués.
- Indications et contre-indications.
Gestes de courte durée (moins de 30 min), effraction cutanée : ponction lombaire, myélogramme, ponction veineuse, petite chirurgie, ablation de corps étrangers ou de drains, pansements, sondage vésical…
Les contre-indications sont exceptionnelles : altération de l’état de conscience, traumatisme crânien non évalué, pneumothorax, accident de plongée, distension abdominale, traumatisme de la face, hypertension intracrânienne
- Association médicamenteuse.
Il existe un risque de potentialisation des effets sédatifs par le midazolam, l’hydroxyzine ou un opioïde mais cela est parfois recherché en cas d'échec du MEOPA.
La puissance du MEOPA étant limitée, il faut toujours associer en cas d’effraction cutanée, une anesthésie locale avec la crème anesthésiante ou avec une infiltration pour les sutures cutanées, les PL, les myélogrammes.
En cas d’administrations quotidiennes répétées (plus de 10 jours consécutifs) ou de facteur de risque de carence en vitamine B12; il faut doser la doser et éventuellement supplémenter le patient ; il existe un risque d’inactivation de la méthionine synthétase en cas d’exposition prolongée avec le MEOPA.
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC