Un peu d'histoire
→ La prise en charge des addictions a été longtemps un terrain dogmatique : « Hors du sevrage, point de salut ».
Cette attitude a pourtant montré sa faible efficacité et son peu d’impact en santé publique. Les années SIDA ont amené les soignants, sous la pression des patients, à raisonner différemment : puisqu’il n’est pas possible de sevrer tous les patients, accompagnons-les dans une consommation à moindre risque, pour eux et pour les autres.
L’objectif était alors de privilégier la survie des patients (les overdoses tuaient alors 2 000 personnes par an) et la baisse de la transmission des maladies infectieuses (les toxicomanes injecteurs étant la deuxième population atteinte par le VIH). La distribution des seringues, les traitements de substitution ont été les premiers éléments factuels de cette démarche.
→ Avec le temps, cette démarche a évolué pour s’étendre à toutes les addictions, et même à d’autres pathologies chroniques.
C’est maintenant une nouvelle approche qui prime : acceptons le patient là où il en est et gérons avec lui les meilleures solutions pour sa santé.
Les risques à réduire
La consommation de produits psycho-actifs entraîne des risques différents selon les produits. Certains sont très visibles – 200 décès par overdose par an –, d’autres concernent toute la population (5 000 nouvelles infections par le VIH chaque année).
D’autres ne sont pas forcément identifiés comme prioritaires bien que fréquents : le syndrome d’alcoolisation foetal (7 000 cas par an, 25 % des femmes consommant de l’alcool pendant la grossesse), l’hypotrophie foetale due à la consommation de tabac, mais aussi les maladies cardio-vasculaires ou les cancers alors que « l’énergie sanitaire » est plus concentrée sur le cholestérol que sur les consommations de substances psycho-actives.
→ Le schéma proposé par l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’alcool est particulièrement parlant : diminuer la consommation, même sans sevrage, présente un bénéfice net pour la santé publique.
→ D’autres risques nécessitent pragmatisme et participation des usagers : il existe maintenant un spray nasal de naloxone (Narcan Spray®) mis à disposition des consommateurs d’héroïne et de leur entourage pour traiter en urgence les overdoses avant l’arrivée des secours.
Quelle efficacité ?
Les traitements de substitution (méthadone, mais surtout buprénorphine haut dosage) et la distribution de kits d’injection ont montré très rapidement leur efficacité : le nombre de morts par overdose a chuté, le nombre de contaminations aussi. Les toxicomanes, qu’on présentait comme irresponsables, étaient capables de modifier leur manière d’agir dans le sens d’une meilleure prise en charge de leur santé.Avec plus de 50 000 patients sous traitement, la France est devenue un des pays en pointe de la prise en charge des addictions et plus de 200 000 patients bénéficient de traitement permettant de réduire les risques de leur consommation. Pour diffuser encore plus ces stratégies, il est nécessaire aujourd'hui de faire évoluer les représentations.
• On ne fournit pas de la drogue aux drogués : les effets sont très différents et permettent surtout de prendre de la distance par rapport à la consommation, de s’inscrire dans un processus de soins avec un accompagnement permettant d’évoluer.
• On n’alimente pas le trafic : certes, une partie des traitements est détournée de son usage, mais c’est minime et surtout favorisé par des politiques très variables d’un pays européen à l’autre.
• Les patients toxicomanes sont incontrôlables : pas plus que d’autres, ils ont envie de mourir et, même si leur parcours est chaotique, ils souhaitent (et pour la plupart arrivent) à reprendre un cours de leur vie aussi normal que possible.
• Il n’est pas possible de réduire sa consommation sans arrêter : il est, au contraire, très pertinent d’analyser avec le patient comment il imagine la réduction de sa consommation. Les addictions aux opiacés ont ouvert le chemin, mais cette approche peut être élargie à d’autres situations.
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