Kévin 20 ans consulte car une semaine auparavant, il a présenté à la fin du repas, chez sa grand-mère qui habite au bord de la mer, une urticaire généralisée, un prurit de la plante des pieds et de la paume des mains, un prurit du palais associé à une gêne respiratoire minime (laryngée), les symptômes ont disparu en une heure. Depuis il va bien. Il n’a aucun antécédent, notamment allergique, il fait du tennis deux fois par semaine et ne fume pas.
UNE SYMPTOMATOLOGIE TYPIQUE D’ALLERGIE
Le prurit de la paume des mains et de la plante des pieds est très évocateur d’une manifestation anaphylactique. L’urticaire généralisée, le prurit du palais et la gêne respiratoire sont aussi des signes d’allergie.
L’INTERROGATOIRE EST PRIMORDIAL
Le premier diagnostic à évoquer est une allergie alimentaire ou médicamenteuse. L’allergie alimentaire est quasi certaine en raison du moment de survenue rapide post-prandiale de la symptomatologie et de l’absence de prise médicamenteuse. À l’interrogatoire concernant son repas, Kévin déclare avoir mangé des crevettes, du saumon accompagné de pommes de terre, des fraises, du pain et du Coca-Cola. Kevin n’a aucun antécédent allergique : eczéma, asthme, rhinite, conjonctivite. Aucun membre de la famille est allergique
QUEL EST L’ALIMENT RESPONSABLE ?
Depuis, l’événement Kévin a de nouveau consommé du pain, des pommes de terre et du coca. Ces trois aliments sont ainsi hors de cause. Les aliments suspects sont les crevettes, les fraises et le saumon.
Comment orienter le diagnostic par la biologie ?
Les seuls examens à réaliser en médecine générale reposent sur le dosage des IgE spécifiques des trois aliments en cause (1). Le dosage des IgE totales, des éosinophiles est inutile.
La spécificité et la sensibilité du dosage des IgE ne sont pas de 100 % (1), il existe à la fois des faux positifs et des faux négatifs. Il est nécessaire de confirmer le résultat par des prick-tests en adressant le patient à un spécialiste.
QUE DIRE AU PATIENT ?
Le patient doit être informé de l’interdiction absolue de consommer un des trois aliments suspects jusqu’au diagnostic définitif. Il importe d’expliquer au patient qu’il existe un risque vital lors d’une nouvelle consommation d’un de ces aliments. En outre, il faut s’assurer que le patient a bien compris la situation. La responsabilité du médecin pourrait être engagée en cas d’accident alimentaire.
Il importe également d’informer le patient que l’allergie à un aliment peut survenir à un moment donné, sans raison, alors que cet aliment avait été consommé jusqu’alors sans problème.
QUELLE ORDONNANCE ÉTABLIR ?
Il faut prescrire trois types de médicament à conserver sur soi en cas de nécessité. Un antihistaminique de type cétirizine, un corticoïde oro-dispersible type prednisolone et de l’épinéphrine (ou adrénaline) auto-injectable (type Anapen*).
L’épinéphrine est utile en cas de choc anaphylactique. Son utilisation doit être soigneusement détaillée au patient et à son entourage, sans oublier l’appel immédiat du 15 : plus son injection est précoce, plus elle a de chances d'être efficace ! Plus la réaction anaphylactique est rapide (quelques minutes) après l'ingestion de l'allergène, plus la réaction sera sévère. Injecter l’épinéphrine immédiatement (à travers le pantalon) peut sauver la vie.
L'accident grave est malheureusement imprévisible.
LA CONSULTATION SPÉCIALISÉE
L’allergologue réalise des prick-tests (tests épidermiques) avec les trois aliments suspects soit à partir d’extraits allergéniques du commerce soit directement à partir des aliments apportés par le patient.
Une fois le diagnostic établi, tests allergologiques positifs pour la crevette, négatifs pour le saumon et la fraise (allergie à la tropomyosine de la crevette), Kevin est informé qu’il ne doit plus jamais de sa vie consommer de crevettes et également de crabes, homards, langoustes, langoustines, écrevisses en raison du risque d’allergie croisée entre ces différents crustacées.
Les autres produits de la mer comme les coquillages et les poissons peuvent être consommés sans danger.
L’allergie aux fraises est très exceptionnelle (inexistante), Kévin peut en consommer sans souci, comme pour le saumon car les tests allergologiques dans son cas sont négatifs.
Les étiquetages alimentaires comportent des mentions du type « cet aliment a été confectionné dans un atelier utilisant les produits suivants… ». Il s’agit de précautions extrêmes.
PEUT-ON DÉSENSIBILISER À UN ALIMENT ?
Non, la désensibilisation alimentaire n’existe pas pour les aliments. L’éviction totale à l’allergène est le seul traitement.
PRÉCAUTIONS INDISPENSABLES
Le patient doit lire les compositions des aliments pour savoir s’ils contiennent ou on l’allergène « qui peut le tuer ». La prudence est indispensable lors des repas en dehors de son domicile, en particulier au restaurant, où Kévin doit absolument demander la composition exacte des plats et des sauces et s’assurer expressément qu’ils ne contiennent pas les aliments allergisants.
Attention aux plats préparés qui contiennent souvent des crevettes (« chips » blanches servies en apéritifs dans les restaurants chinois par exemple).
COMBATTRE LES IDÉES FAUSSES
Les produits de la mer contiennent de l’iode que penser de la classique allergie à l’iode. Or l’allergie à l’iode n’existe pas. On sait aujourd’hui que la réaction allergique au produit de contraste est due à la molécule utilisée et non à l’iode associé. Les examens de contraste peuvent être réalisés et ne sont en aucun cas contre-indiqués. Aucun interdit concernant l’iode n’est autorisé.
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