Le point de vue du Dr Saad Kassnasrallah*

Lettre ouverte d'un neurologue de terrain à la ministre de la Santé

Publié le 07/06/2018
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Dr Saad Kassnasrallah

Dr Saad Kassnasrallah
Crédit photo : DR

Madame la ministre,

Je suis un neurologue de terrain. J'ai beaucoup réfléchi et échangé avec mes collègues sur l'éventualité de dérembourser les médicaments utilisés pour le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer. Nous sommes confrontés quotidiennement à ces maladies, aux patients et à leurs familles.

Tous les acteurs : chercheurs, cliniciens et soignants, se mobilisent en permanence. Nous travaillons pour porter un diagnostic le plus juste possible, et apporter le maximum de soins et réconfort. Notre objectif est de soigner, guérir si cela est possible, et dans tous les cas accompagner le patient. Nous savons que la tâche est difficile quand il s'agit d'une maladie invalidante et allant jusqu'à la déchéance comme la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées.

Des médicaments « symptomatiques », mais qui rendent un immense service

Nous avons accueilli il y a plus de vingt ans l'arrivée des quatre médicaments utilisés actuellement. Nous savions qu'il s'agit de médicaments « symptomatiques ». Nous aurions préféré avoir des traitements qui « guérissent ». Malheureusement, nous n'avons pas encore ce médicament malgré un nombre impressionnant de recherches scientifiques et médicamenteuses qui se font dans les grands centres du monde.

L'arrivée de ces médicaments a rendu un énorme service à l'ensemble des acteurs et bien évidemment aux patients. Il y a eu un dynamisme qui a permis de créer réellement « les consultations de mémoire » et tous les réseaux de suivi et d'accompagnement.

Je suis un neurologue de terrain et je prescris ces médicaments avec satisfaction. L'efficacité de ces médicaments est modeste de façon globale. Mais nous le savons bien, pour une partie des patients le gain est important, pouvant aller jusqu'à plus de deux ans d'autonomie. Pouvoir prescrire un médicament – même symptomatique — et modérément efficace permet de mobiliser le patient et la famille, et leur donner de l'espoir.

Le risque d'une fracture sociale

Ces médicaments sont souvent bien tolérés, avec un prix qui n'a rien d'excessif. Malheureusement le déremboursement provoquera une nouvelle fracture sociale, puisque les patients qui n'ont pas les moyens ne pourront pas acheter le médicament.

Pour toutes ces raisons, je considère le déremboursement comme une erreur non justifiée. Il reste à expliquer ce raisonnement aux gens qui ont le pouvoir… Puisque je ne suis qu'un neurologue de terrain.

* Nneurologue, Montpellier (34)

Source : Le Quotidien du médecin: 9671