En 2016, le maire de Pierreclos plantait sur son rond-point une banderole de six mètres de long, comme un appel désespéré. Le message, « Recherche médecin généraliste », était suivi du numéro de téléphone de la mairie. L’image était assez spectaculaire pour que TF1 puis France 2 se pressent au chevet de la commune (960 habitants) qui, depuis 2015, n’avait plus aucun généraliste. La médiatisation n’aura pas suffi. « Nous n’avons pas réussi à trouver de médecin », raconte le maire Rémy Martinot, qui avait pourtant investi dans les locaux de l’ancien tri postal pour y installer plusieurs cabinets de consultation...
L'éclaircie est venue autrement, à la faveur d'un projet inédit : il aura fallu que le conseil départemental de Saône-et-Loire prenne l’initiative de créer un centre départemental de santé avec plusieurs déclinaisons et antennes territoriales pour que Pierreclos retrouve un médecin, en cette fin de janvier 2019.
Objectif : 45 antennes
Le succès de l'opération est au rendez-vous : en un an exactement, ce modèle de salariat a permis de recruter par étapes 30 médecins généralistes répartis dans cinq centres territoriaux – à Digoin, Autun, Chalon-sur-Saône, Montceau-les-Mines et Mâcon.
Ces cinq centres territoriaux – ouverts du lundi matin au samedi midi (64 heures par semaine) – sont les têtes de pont d’un dispositif qui permet de mailler plus finement le territoire grâce à des antennes locales qui, comme celle de Pierreclos, accueillent les patients sur des plages plus restreintes (20 heures par semaine maximum). Cette organisation n’est « pas encore stabilisée », confie toutefois André Accary, président du conseil départemental. À terme, pas moins de 45 antennes sont prévues dans le département, en même temps que le département continuera à recruter des médecins intéressés par la formule (lire ci-dessous).
Pas de concurrence déloyale avec les libéraux
Avec cette initiative « unique en France », souligne l'agence régionale de santé (ARS), la Saône-et-Loire entend « prévenir la désertification médicale qui menace », alors que 300 médecins du département peuvent aujourd’hui prétendre partir à la retraite. En réalité, la situation s’était déjà dégradée depuis longtemps et, même à Mâcon, la préfecture, « 4 000 patients n’avaient plus de médecin traitant » avant l’ouverture du centre de santé territorial, rappelle son maire, Jean-Patrick Courtois.
Ce premier bilan annuel montre combien le centre départemental de santé répond à un besoin : 16 221 patients différents ont été pris en charge et 11 052 d'entre eux ont choisi pour médecin traitant l'un des praticiens recrutés par le département.
« Ces médecins ne doivent pas concurrencer les médecins libéraux », martèle André Accary, depuis le début du projet. Le département y veille : il a même déjà fermé une de ses antennes en décembre 2018, trois mois après son ouverture, à Champforgeuil, lorsqu'un médecin généraliste a souhaité s'y installer en libéral. Toute nouvelle ouverture passe d'ailleurs par une analyse des besoins sur la base de données fournies par la caisse primaire.
4 000 à 7 000 euros par mois
Le département, qui a débloqué une enveloppe de deux millions d'euros pour lancer le dispositif, estime qu'il faudra trois ans pour atteindre l'équilibre. Il finance les salaires des médecins dont la rémunération mensuelle – 4 000 à 7 000 euros pour un temps plein – est calée sur la grille de la fonction publique hospitalière. Le département assume également les émoluments de 15 secrétaires médicaux, deux chargés de projet, une secrétaire, un agent administratif et financier, une directrice médicale et un directeur. En contrepartie, il encaisse le règlement des consultations qui ne suffisent pas encore, au bout d'un an, à compenser ces dépenses induites auxquelles participent également les communes en finançant les locaux mis à disposition des médecins.
André Accary ne tarit pas d'éloges sur son projet. À l'écouter, exit la concurrence entre les territoires, avec « des communes qui se piquaient les médecins » et une surenchère « pour réaliser le plus beau cabinet ». Il se souvient à cet égard d'une commune rurale qui, après avoir financé un chasseur de têtes, trouvé un médecin et réalisé les travaux pour aménager un cabinet... avait perdu son candidat parti s'installer dans une autre ville où les élus locaux l'avaient incité à faire quelques heures en attendant d'avoir constitué sa patientèle. « Dans cette concurrence, l'État en rajoute en donnant des aides à certains territoires mais pas à d'autres parce qu'à quelques km près ils ne sont pas éligibles », se désole l'élu, dénonçant un système qui « marche sur la tête ».
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