Ces soignants qui font le Ramadan

Jeûne et pratique médicale : est-ce compatible ?

Publié le 30/05/2019
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Crédit photo : DR

Alors que certains établissements de soins des pays à dominante musulmane ont adapté les horaires de consultations (7 h à 13 h) et de bloc (5 h à 12 h), comment les hôpitaux français abordent-ils la période du Ramadan ? On ne trouve rien sur le site des hôpitaux parisiens ou marseillais, alors que les musulmans constituent 7,5 % de la population française.

Favoriser la flexibilité

Autre son de cloche en Grande-Bretagne. Le 24 avril 2019, le NHS faisait suivre à ses employés une note de service sur l’organisation des soins pendant le Ramadan. Le système de santé britannique précise que « pour permettre aux employés d’être en accord avec leurs convictions religieuses, une flexibilité du temps de travail est proposée : possibilité de poser des vacances, de faire des pauses (tout en respectant le temps de travail), de préférer certains horaires… ». Des modules de formations sont même proposés aux cadres dont une partie du personnel observe le Ramadan : on leur explique, entre autres, comment aborder le sujet lorsqu’ils pensent que le jeûne peut impacter sur la bonne réalisation de la tâche de soins (« je sais qu’on est en période de jeûne : vous-même observez-vous le jeûne ? »).

Pas d’impact sur la dextérité

La question de l’impact de la privation alimentaire sur les capacités manuelles et intellectuelles semble être posée régulièrement si l’on en croit les rares publications sur le sujet des « soignants pendant le Ramadan ». Dans un article publié en 2012 dans le BMJ (1), le Dr Fareed Iqbal (East Lancashire Hospitals, Grande-Bretagne) soulignait que les médecins qui jeûnent sont des adultes en bonne santé généralement et que des études menées sur la privation diurne de nourriture dans cette population concluent que cette pratique est sûre et qu’elle n’impacte pas sur les capacités cognitives ou manuelles (3), (6).

Il explique aussi qu’une étude de dextérité menée au Danemark sur un seul et unique chirurgien avant, pendant et après le jeune ne retrouve pas d’impact de cette pratique sur la manipulation des outils de laparoscopie (4). Une étude à plus grande échelle menée chez des chirurgiens maxillo-faciaux conclut pour sa part à l’absence d’interaction entre privation alimentaire et habileté, mais souligne que l’odeur de l’air expiré diffère en raison de la cétose de jeûne (5).

Quel risque médico-légal ?

En réponse à un blog publié par le BMJ sur le sujet (2), certains médecins musulmans mettent en avant leurs craintes d’être accusés d’attitude potentiellement délétère pour les patients lorsqu’ils jeûnent. Pourtant, le Dr Bushra Azam souligne que nombre de chirurgiens effectuant des interventions longues se mettent dans des conditions de jeûne pour des raisons logistiques. Les intervenants reviennent sur les réponses possibles à un patient qui demande à son chirurgien : « Allez-vous m’opérer alors que vous êtes en période de Ramadan ? Votre fatigue ou une éventuelle hypoglycémie ne vont-elles pas influer sur le résultat de l’intervention ? » Ils expliquent que la question du jeûne ne se pose que rarement avec les chauffeurs de bus ou les pilotes d’avion. Néanmoins, si le patient aborde le sujet, il est souhaitable de dire la vérité. C’est ensuite au patient de choisir et de donner son consentement éclairé aux soins.

Enfin, le Dr Azam insiste sur l’importance d’écouter son organisme quand on est médecin en Ramadan et ne pas hésiter à adapter son temps de travail pour pouvoir faire des pauses manuelles et intellectuelles qui laissent le temps de prier.

(1) Iqbal F. What should doctors do about fasting during Ramadan ? BMJ 2012; 345 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.e5629
(2) https://blogs.bmj.com/bmj/2010/08/11/bushra-azam-on-doctors-fasting-ove…
(3) Alkandari JR et al. The implications of Ramadan fasting for human health and well-being. J Sports Sci 2012 Suppl 1:s9-s19
(4) Gӧgenur I, Jacobsen HL, Achiam M. The Effects of fasting on the surgical skills of surgeons. Ugeskr Laeger 2008. 170(51): 4236-7.
(5) Brands M, Hockey P, Sced A, Brennan P. Fasting and surgical performance: potential source of harm? Br J Oral Maxillofac Surg. 2017 Oct;55(8):755-756. doi: 10.1016/j.bjoms.2017.07.020.
(6) Dolu N et al. Arousal and continuous attention during Ramadan intermittent fasting. J Basic Clin Physiol Pharmacol 2007, 18(4): 315-22.

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Source : Le Quotidien du médecin: 9749