L’hémoptysie grave est une situation préoccupante à double titre. D’une part parce qu’elle engage le pronostic vital, avec un taux de mortalité pouvant atteindre de 35 à 40 % dans les formes massives non stabilisées imposant un traitement chirurgical. Et d’autre part en raison de la pathologie causale, elle-même souvent grave. Il ne s’agit pas d’une situation rare : 10 % des patients hospitalisés pour hémoptysie sont admis en réanimation.
Répondre à 4 questions
« Face à une hémoptysie grave, la démarche diagnostique est très structurée et vise à répondre à 4 questions », rappelle la Pr Muriel Fartoukh. Il faut confirmer 1) l’origine bronchique de l’hémorragie ; 2) évaluer sa gravité, ce qui reste complexe et se fonde notamment sur l’abondance et le retentissement respiratoire de l’hémorragie, mais aussi sur la présence de comorbidités, l’administration de vasoconstricteurs, le mécanisme et l’étiologie ; 3) il faut en préciser le mécanisme, qui peut être de 4 types : le plus souvent (90 % des cas) une hypervascularisation systémique (artères hypertrophiques, avec shunt par ré-ouverture d’anastomoses entre circulation bronchique et circulation pulmonaire) ; un anévrysme artériel pulmonaire dans un contexte d’excavation, de nécrose ou de maladie de système (5 % des cas) ; très rarement une lésion de l’aorte thoracique ou d’un gros vaisseau, ou un syndrome de Dieulafoy bronchique, qui se rencontre notamment au cours des hémoptysies cryptogéniques du grand tabagique ; 4) il importe enfin d’en préciser la cause, dominée dans les pays développés par le cancer bronchique, l’aspergillose pulmonaire, la dilatation des bronches et la tuberculose active ou séquellaire (80 % des étiologies).
L’angioscanner thoracique multidétecteur est déterminant pour le diagnostic topographique, du mécanisme et de la cause. Il permet également d’avoir une cartographie vasculaire bronchique ou non très précise et constitue un préalable indispensable à la décision thérapeutique, qui se fonde sur la radiologie vasculaire interventionnelle en première intention dans les formes graves, notamment quand il existe une insuffisance respiratoire aiguë ou quand l’hémoptysie est abondante (> 200 ml). L’artério-embolisation bronchosystémique permet un contrôle immédiat dans 85 % des cas. Les récidives à long terme sont observées dans 20 % des cas. L’artério-embolisation bronchosystémique n’est pas une procédure anodine, et elle est grevée de complications dans 5 à 10 % des cas. Elle doit être réalisée par un radiologue expert, dans un centre à même de gérer la prise en charge du patient à toutes les étapes (pneumologue, réanimateur, radiologue interventionnel et chirurgien thoracique). En l’absence d’insuffisance respiratoire aiguë ou d’hémoptysie abondante, l’étiologie (cancer, aspergillose) et les comorbidités du patient sont à intégrer pour décider entre traitement médical seul et traitement médical associé à la radiologie vasculaire interventionnelle. La place de la chirurgie d’hémostase est aujourd’hui limitée aux échecs de l’embolisation artérielle.
D’après un entretien avec la Pr Muriel Fartoukh, hôpital Tenon, Paris
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