Comment caractériseriez-vous les supercentenaires que vous avez eu l’occasion de suivre ?
Dr Geneviève Haggai-Driguez : Les supercentenaires que j’ai connues ont toujours eu un caractère très fort. Ce sont des femmes maîtresses, qui ont su mener leur vie en surmontant de grandes difficultés : elles ont parfois vu leurs enfants partir avant elles. Elles semblent par ailleurs souvent très entourées. Que ce soit par leur famille ou par des aidants d’autant plus attachés qu’ils les côtoient longtemps – ces patientes restent parfois de nombreuses années en établissement. Ainsi, tout le monde est aux petits soins de notre doyenne.
Quels problèmes de santé particuliers présentent les supercentenaires ?
Dr G. H.-D. : Ces personnes de très grand âge n’ont évidemment jamais développé de comorbidités importantes. Et des pathologies chroniques ont peu de chance de survenir chez une centenaire sans antécédent. Ceci étant dit, du fait d’une résistance moindre, ces patientes sont emportées par des évènements aigus, comme des chutes ou des infections digestives ou pulmonaires. En outre, elles manifestent au quotidien de nombreuses plaintes liées à des douleurs, une perte de mobilité, une dépendance grandissante, etc.
Comment qualifieriez-vous votre rôle auprès de ces patients ?
Dr G. H.-D. : Face à ces patients et surtout patientes supercentenaires, je m’interroge toujours : vais-je vers une forme d’acharnement thérapeutique ? Il faut évidemment répondre aux plaintes et essayer d’améliorer la qualité de vie mais en ayant par exemple à l’esprit le risque de perte de vigilance, de chute et de perte d’autonomie lié aux antalgiques. De même, il faut évidemment prendre en charge d’éventuelles maladies. Cependant, face à des symptômes tels qu’une perte d’appétit, de la fatigue, se trouve-t-on face aux prémices d’une pathologie ou à des signes d’un vieillissement normal, voire à une lassitude ?
Dans certaines interviews, des supercentenaires évoquent en effet une lassitude de la vie. S’agit-il d’une dépression ?
Dr G. H.-D. : Je ne suis pas psychiatre mais il me semble qu’il s’agit plutôt d’une forme de fatigue – qui peut survenir chez des personnes présentant des antécédents de dépression, mais pas toujours. Des patients indiquent qu’ils n’attendent plus rien de particulier de leur vie, qu’ils en ont assez de demander de l’aide pour remplir des besoins primaires, sans pour autant présenter de syndrome dépressif. Je dirais qu’il s’opère – éventuellement après une chute, une maladie… – une sorte de prise de conscience, suivie d’un syndrome de glissement : le sujet concerné renonce, se laisse aller. Une situation terrible aussi pour les aidants : certaines familles n’acceptent pas, demandent des examens, des hospitalisations, avec un risque accru d’acharnement.
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