La maltraitance peut se définir par un ensemble de mauvais traitements administrés à une personne. Deux notions ont été rajoutées à cette définition par le conseil de l’Europe en 1987 : la vulnérabilité et les violences. Ainsi, sont considérés vulnérables les mineurs, les personnes âgées, ayant une déficience physique, psychique, les femmes enceintes. La vulnérabilité permet de faire un signalement sans l’accord de la victime, et aggrave la peine encourue par l’auteur des faits. Les violences sont non seulement physiques, psychiques, financières, matérielles mais relèvent aussi d’abus et de négligences. Le principal problème en matière de maltraitance est le défaut de signalement. Autre constat issu des associations : les déclarations émanent plus des particuliers, des familles que des professionnels de santé.
Signes d’appel non spécifiques, faisceau d’arguments
En raison du silence et de l’isolement de la victime, le problème est de reconnaître des situations de maltraitance au sein d’un flux continu de patients aux services d’urgence. Les motifs de recours sont non spécifiques. Il s’agit de chute, de brûlure, de douleurs de tout type (céphalées, douleurs abdominales), de vomissements, d’insomnie, de tentative de suicide. La liste n’est pas exhaustive. Il n’y a aucun signe clinique de certitude et l’équipe ne peut avoir que des doutes. Ce qui va interpeller, dès l’accueil, ce sont des explications variées et contradictoires pour un même traumatisme, des passages répétés pour un même motif, des retards à la demande de soins, des comportements du patient (mutisme, repli sur soi) et de l’entourage (absence ou au contraire très présent et insistant). L’examen clinique recherche des traces de coups (hématomes d’âge différent, des déformations en rapport avec des fractures anciennes non traitées), de brûlures suspectes (laissant la marque d’un objet), de ligatures. Ce peut être aussi une négligence avec incurie, cachexie en rapport avec une malnutrition. Il n’y a pas d’examens complémentaires spécifiques. C’est sur un faisceau d’arguments comprenant la présentation, les dires, l’inspection et les examens complémentaires, que la maltraitance est suspectée. Il faut également évoquer ce qui n’est pas une maltraitance mais des conséquences de maladies : hématomes liés à des chutes fréquentes chez un patient Parkinsonien, des fractures en rapport avec la « maladie des os de verre ».
Reconnaître, soigner, protéger et respecter le secret professionnel
En urgence, et lorsque la situation présente des éléments de gravité (retour au domicile non protecteur, sortie avec risque de mise en danger de la victime) il faut faire un signalement au substitut du procureur, joignable 24 heures/24 au TGI de son département. On peut, en cas de doute et pour un enfant, faire une « information préoccupante » auprès de la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), qui est en lien avec la protection de l’enfance et le substitut du procureur ; cette information peut ne pas être signalée aux parents. Cette action permet, à distance, de faire une évaluation de la situation préoccupante. Malheureusement, la CRIP n’existe que pour les enfants. Il n’y a pas d’équivalence pour la personne âgée et/ou handicapée.
Toutes ces procédures doivent être rédigées et diffusées au sein du service des urgences. Les équipes doivent être sensibilisées et formées. La décision doit être prise, si possible, en concertation avec les autres professionnels (pédiatre, gériatre, assistant social, etc.). Aux urgences, ce n’est pas que le médecin qui joue un rôle en matière de maltraitance mais toute une équipe.
Chef du service des urgences, Centre hospitalier Sud Francilien, Corbeil-Essonnes.
119 – numéro national gratuit – enfant en danger. 3977 – numéro national gratuit – personnes âgées, personnes handicapées maltraitées. 3919 – numéro national gratuit – violences conjugales.
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