« ARRÊTONS de distribuer aux enfants des pays du Sud une nourriture que nous ne voudrons pas pour notre propre pays ». À la veille de la journée mondiale du 16 octobre, le Dr Marie-Pierre Allié, présidente de MSF, veut faire entendre le cri d’alarme lancé par l’association, qui, depuis le mois de juillet, présente, en partenariat avec l’agence photographique VII, une exposition multimédia, « Starved for attention » (Nouveau regard sur la malnutrition) pour sensibiliser l’opinion publique*. Les principaux pays contribuent à l’aide alimentaire, parmi lesquels les États-Unis, le Canada, le Japon et l’Union européenne fournissent et financent une aide alimentaire reposant sur la distribution de farines enrichies à base de soja et de maïs (CBS). « Pourtant, le consensus scientifique est bien établi, supporté par l’OMS. Ces farines sont inadaptées aux besoins des enfants de moins de deux ans », poursuit la présidente de MSF.
Surplus.
Car la malnutrition n’est pas seulement le résultat de quantités d’aliments insuffisantes, l’absence dans l’alimentation de nutriments essentiels à la croissance de l’enfant en est une des principales causes, en particulier chez les jeunes enfants. Après les six premiers mois, l’allaitement maternel n’est plus suffisant. La qualité des aliments (protéines, matières grasses essentielles, glucides, vitamines et minéraux) est essentielle. « L’aide alimentaire date de l’après-guerre, explique Stéphane Doyon, responsable nutrition de la campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF. Les farines fortifiées développées dans les années 1960 contenaient du lait. L’aide alimentaire était majoritairement composée par les surplus agricoles. À la fin des années 1980, on assiste alors au déclin des surplus laitiers. Les protéines de lait sont alors remplacées par des protéines d’origine végétale, qui n’ont pas les mêmes qualités nutritionnelles. » Ces aliments, qui ne correspondent plus aux standards internationaux pour les moins de 2 ans, continuent à être largement distribués. Ils ne le sont cependant pas dans les pays développés. Les États-Unis par exemple, ont développé un programme d’alimentation complémentaire très efficace destiné aux femmes, aux nourrissons et aux enfants dont bénéficient plus de 9 millions de personnes, mais continuent à fournir au reste du monde des mélanges de farine aux qualités nutritionnelles moindres. « Il faut cesser ce double standard », s’insurge le Dr Allié. Une pratique que l’on retrouve à plus ou moins grande échelle au Japon ou dans les pays de l’Union européenne, sauf l’Espagne, qui fournit des produits alimentaires adaptés.
Taux de mortalité élevés.
Aujourd’hui, 195 millions d’enfants dans le monde souffrent, d’après les données de l’UNICEF, de malnutrition. Cette dernière est responsable chaque année d’un tiers des 8 millions de décès d’enfants de moins de 5 ans. MSF qui depuis longtemps s’est engagé dans la prise en charge des cas de malnutritions sévères, notamment au moment des crises nutritionnelles comme au Niger, milite pour une nouvelle stratégie. « Même dans les meilleures conditions de prise en charge, les taux de mortalité dans les programmes nutritionnels demeurent élevés, entre 3 et 4 % », assure l’association. Des programmes de prévention reposant sur la distribution d’aliments adaptés aux enfants pourraient renverser cette logique. « En 2007, nous avons pu distribuer des pâtes nutritives en prévention. Les cas de malnutritions sévères ont été moins nombreux », affirme le Dr Allié. En juillet 2010, des suppléments nutritionnels adaptés aux besoins des moins de 2 ans ont été distribués au Niger à 150 000 enfants en bas âge afin de réduire le nombre d’enfants atteints de malnutrition dans les mois à venir. Des pays comme le Mexique, la Thaïlande et le Brésil ont réussi à vaincre la malnutrition grâce à des programmes adaptés. MSF demande que les besoins nutritionnels des jeunes enfants soient placés au cœur des politiques d’aide alimentaire. Une pétition disponible sur internet (www.starvedforattention.org) appelle les contributeurs à changer leur pratique. Elle leur sera présentée lors du prochain sommet du G8, organisé en France en 2011.
* Après New York, Milan, Toronto, Abidjan et Rome, l’exposition est à Paris jusqu’à demain (Espace de la rue Aubry Leboucher, proche du parvis du Centre Pompidou).
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