L’extension de l’obligation vaccinale à l’ensemble du calendrier vaccinal du nourrisson a été récemment votée dès la première lecture à l’assemblée et au sénat. Cette mesure sera mise en place en janvier 2018 et aura pour effet d'étendre l'obligation actuelle qui concerne les 3 vaccins diphtérie, tétanos et polio, vers les 8 autres vaccins actuellement recommandés du calendrier du nourrisson c'est-à-dire coqueluche, Haemophilus influenzae b, hépatite B, pneumocoque conjugué, rougeole, oreillons, rubéole, et méningocoque C conjugué. Cette décision marque le terme d'un long débat engagé depuis 2014 en France à la suite de l’avis du Haut Conseil de Santé Publique qui dénonçait la situation intenable d’une obligation jugée non pertinente (en termes de morbidité et mortalité pour les trois maladies en question), non cohérente (les adultes âgés représentant l’essentiel des cas résiduels de tétanos en France), non justifiée par la couverture vaccinale (qui restait élevée à l’époque), non compréhensible (le terme recommandé étant assimilé à « non important » pour ne pas dire « optionnel » par la population) et non loyale (du fait de la disparition du DTP, seul vaccin trivalent adapté au nourrisson).
À la suite de cet avis et du rapport Hurel qui suivra, la ministre de la santé de l’époque, Marisol Touraine demanda, dans le cadre du plan d'action pour une rénovation de la politique vaccinale, que soit organisée une concertation citoyenne coordonnée par le professeur Alain Fischer. Le comité d'organisation de cette concertation, après un long et exhaustif travail d’échanges avec la population, d'auditions d’experts et d'analyse conclura, entre autres recommandations, à la nécessité d'étendre de façon temporaire l'obligation vaccinale à l'ensemble du calendrier vaccinal du nourrisson.
Les arguments scientifiques en faveur de la vaccination du nourrisson ont été largement exposés pendant ces longs mois de débat. Rappelons en particulier l'importance et l'urgence de la protection individuelle du jeune nourrisson contre des maladies potentiellement sévères voire létales comme la rougeole, la coqueluche et les infections invasives à pneumocoque, à Haemophilus influenzae b et à méningocoque C. Rappelons également l'importance d'autres infections comme la rubéole et l'hépatite B dont le risque est certes plus tardif mais pour lesquelles la vaccination précoce assortie d'un fort taux de couverture vaccinale est la seule véritable garantie d'efficacité sur un plan épidémiologique. Rappelons enfin l'importance de la protection collective vaccinale pour un nombre important de ces maladies et qui représente aujourd'hui la seule arme dont nous disposons pour protéger les plus vulnérables, en particulier aux âges extrêmes de la vie et les immunodéprimés.
La meilleure décision possible
Cette mesure coercitive génère naturellement des oppositions. Le principe de primauté du libre choix des parents sur la santé de leur enfant est souvent mis en avant. Il n’a pas de sens aujourd’hui au regard des risques inhérents à ces maladies chez ces nourrissons vulnérables. Il n’est pas aujourd’hui acceptable de voir un nourrisson mourir ou survivre avec de lourdes séquelles après une infection invasive à pneumocoque ou à méningocoque C alors qu’un vaccin efficace existe, que ce vaccin est parfaitement bien toléré et est accessible à tous grâce à l’effort financier de la communauté. Notre responsabilité collective est également engagée lorsque des patients immunodéprimés décèdent de rougeole au cours de la dernière épidémie de 2010-2011.
L’autre argument souvent avancé, considère que l’obligation pourrait être contre-productive et augmenter la réticence voire l’opposition de la population à cette mesure. Cela se discute, car pour la première fois depuis de très nombreuses années, nos autorités de santé se sont exprimées de façon claire et ferme et donnent enfin une cohérence et une valeur pédagogique au message vaccinal s’adressant à une population en déroute, saturée de désinformation coupable sur les complications alléguées sans preuve aux vaccins et aux adjuvants, circulant de façon massive et sans contrôle sur Internet, reprise par certains de nos confrères parfois « éminents » et toujours activement relayée par les lobbys anti-vaccinaux.
Si à l'évidence, l'idéal pour nous tous serait de supprimer toute obligation dans le domaine de la vaccination comme ont réussi à le faire la totalité de nos pays voisins en Europe du nord, cette décision d'étendre l'obligation vaccinale dans notre pays est actuellement la meilleure mesure actuellement possible. Rappelons que la défiance de notre population vis-à-vis de la vaccination est unique en Europe et a atteint un niveau record. Les enquêtes d’opinion réalisées à l’occasion de la concertation citoyenne ont révélé que si l'obligation était supprimée dans notre pays, un pourcentage élevé de parents et pire, de médecins (15 à 20 %) envisagerait de ne pas vacciner. Notre nouvelle ministre, le Pr Agnès Buzyn, s’est positionnée de façon courageuse sur le terrain de la santé publique et de la responsabilité politique. À nous désormais de contribuer par le dialogue, l’écoute et l’information à restaurer la confiance dans la prévention vaccinale chez nos patients et leurs parents et permettre à terme la levée de l’obligation.
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