Promettre un plan massif d'investissement et de revalorisation pour l'hôpital à l'issue de la crise est louable. Remercier en les gratifiant celles et ceux qui se donnent aujourd’hui sans compter, au risque de leur vie pour soigner, s’impose comme une évidence. Mais c’est à une « refonte intégrale » de notre système de santé qu’il faut s’attaquer tous ensemble, bien au-delà du plan MaSanté2022.
Bâti sur un millefeuille historique à la hiérarchie dépassée, perfusé d’aides disparates pour des résultats médiocres eu égard à l’argent injecté, notre système de santé n’est plus adapté à son temps, alors que les soignants font preuve d’une agilité exceptionnelle dans leurs collaborations en période de crise, preuve que la liberté d’entreprendre au sein de la communauté sanitaire peut soulever des montagnes au service du bien commun.
Dix chantiers sont à lancer sans attendre :
1° Faire collaborer sans a priori la médecine publique et la médecine privée : offrons des moyens logistiques et financiers équivalents aux établissements privés et aux hôpitaux publics, aux médecins et soignants libéraux, aux pharmaciens de ville, aux Ehpads et au secteur médico-social. Rédigeons un nouveau cadre juridique global qui satisfasse aux obligations de service public pour tous les acteurs de soins, en prévoyant des financements identiques pour des prises en charges similaires. Sortir du statut pour signer un contrat, engageant chaque établissement et chaque professionnel, quels que soient son mode et son lieu d’exercice, au service des patients sans discrimination d’âge, de type de pathologie et de statut social.
2° Réviser l’organisation du fonctionnement quotidien des hôpitaux comme à Valenciennes où règnent l’autonomie, la confiance et la responsabilité. Ses pôles de médecine sont gérés par les personnels soignants eux-mêmes pour 90 % des actions à mener financées sur cinq ans. Le personnel administratif, lui, a fondu autour de 5 % des effectifs. Finies les hiérarchies pyramidales, les sièges administratifs pléthoriques. Disparues les demandes de personnels et de matériels au prix de dizaines de rappels pour se faire entendre « niet » au bout d’un an.
3° Décentraliser le système au plus près du terrain en privilégiant la médecine de premier recours, généralistes, infirmiers et pharmaciens de ville. Les rémunérer à la hauteur de leurs tâches et investir massivement dans les maisons et centres de santé pluridisciplinaires
Un cloud sanitaire connectant les différentes bases de données
4° Accélérer la mutation numérique en diffusant un Dossier Médical Partagé enfin simple d’utilisation. Faciliter les téléconsultations avec des systèmes accessibles aux personnes âgées et à celles qui ne savent pas bien se servir des moyens numériques. Connecter les différentes bases de données existantes dans un cloud sanitaire. Inventer les objets connectés utiles aux patients et aux soignants dans le cadre d’une FrenchTech pleinement investie dans le domaine de la santé. Créer une vraie méta-plateforme nationale voire européenne des données de santé, accessible à tous.
5° Évaluer en temps réel la pertinence et la qualité des prestations offertes aux malades en usant de deux types de critères : les données médicales objectives et les résultats vécus par les patients. Chaque professionnel de santé devrait pouvoir situer le niveau de sa pratique à l’aune de statistiques nationales régulièrement mises à jour et facilement accessibles.
6° Réduire drastiquement le nombre d’agences, d’instituts, de Conseils et autres directions centrales qui se marchent sur les pieds, pour créer une Food and Drug Administration (FDA) et un Center for Disease Control (CDC) à la française.
7° Investir massivement dans la prévention dont le financement minimaliste est une injure à la santé publique. La pénurie de masques et de tests en fut la preuve criante.
8° Restructurer notre assurance maladie boiteuse selon deux options : soit la CNAM prend tout en charge, soit on travaille avec les assureurs et les mutuelles sur un schéma à deux étages, non pas en fonction du risque, mais selon le montant dépensé et les ressources de chacun.
9° Offrir à nos aînés des conditions de vie décentes en EHPAD et surtout à domicile, en jouant d’un mixage générationnel et d’un suivi médical, infirmier et d’aides de vie accompagné par les technologies innovantes.
10° Penser la santé comme le tout premier secteur économique d’avenir, créateur d’emplois et de richesse au lieu de le considérer comme un boulet à subventions sans fin. Dans cette optique, abolir l’objectif national des dépenses d’assurance maladie annuel et favoriser massivement le développement des entreprises utiles aux biens sanitaires en relocalisant leur production dans une approche de politique industrielle française et européenne affirmée.
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