La panna cotta au gingembre et sa gelée de yuzu ne passent pas. Le menu à 80 euros, n’en parlons pas. Sur le site de critiques et conseils touristiques Tripadvisor, James note avec sévérité cette offre fallacieuse. Encore un hôtel-restaurant à fuir comme la peste ? Pas du tout ! Nous sommes à la luxueuse clinique La Prairie, en Suisse. Pas un mot sur les soins, il n’y en a que pour les prestations annexes.
Si les Français n’en sont pas encore à noter en ligne et en étoiles leurs établissements de santé comme leurs voisins helvètes, un troublant mélange des genres entre le monde de l’hôtellerie et de l’hôpital s’affiche de plus en plus sur les pages de garde des sites Internet, les flyers et les communiqués de presse de nombre de cliniques. Les prestations hôtelières haut de gamme ne sont plus l’apanage du patient étranger aisé accueilli en filière spécifique. Et la qualité des soins n’est plus l’argument massue systématique.
Traiter les patients à la carte
Les origines de cette évolution sont pour partie sociétales. Le déclin de l’image du médecin tout puissant et la culture du commentaire en ligne contribuent à délier les langues. La chambre dortoir où quatre patients se partagent 20 m2 a vécu.
La prestation hôtelière devient un marqueur de différenciation, où les cliniques sont à l’avant-garde en raison de leur modèle économique. Le secteur privé a toujours joué la carte hôtelière mais l’application de la tarification à l’activité a obligé les cliniques à monter en gamme. « Nous ne traitons plus les patients comme si tout le monde était pareil. Plus que les services, c’est une expérience nouvelle que nous leurs proposons », assume Arnaud Masson, directeur du marketing et de la relation patient de Ramsay-Générale de Santé, qui soigne un million de patients par an.
Ambiance épurée à 350 euros
Revendiquée, cette stratégie nécessite un vocabulaire adéquat. À Paris, la clinique Nescens, spécialisée dans les soins anti-âge et la chirurgie esthétique, dit réunir « pour la première fois excellence chirurgicale et luxe hôtelier dans un lieu d’exception ».
De l’autre côté de la Seine, la clinique indépendante de l’Alma rappelle sa proximité avec « les grands sites touristiques », son « hôtellerie de grande qualité » et son hall d’entrée aux allures « d’hôtel particulier ». À Lyon, la maternité Natecia (lire ci-dessous) vante son ambiance « épurée, résolument apaisante » et « l’expérience bien-être » offerte aux jeunes mères pour 350 euros.
Le phénomène ne se cantonne plus aux grandes métropoles. Ramsay-Générale de Santé propose des chambres de 90 à 150 euros dans 46 de ses établissements. Au menu : des « repas plaisir » labellisés par Gault & Millau, que décline la « responsable hôtelière » aux patients intéressés par l’offre.
Obstétrique, pédiatrie, chirurgie ou psychiatrie sont par essence les plus à même d’embrasser cette tendance.
Avant ou arrière garde ?
Ces services particuliers « hors soins » peuvent-ils se démocratiser ? La solvabilisation (partielle ou totale) de la chambre particulière par certaines complémentaires santé va déjà dans ce sens. Et certains assureurs accompagneront cette tendance via leurs contrats haut de gamme.
Mais dans les territoires, des grands groupes régionaux de cliniques (Médipole Sud Santé, Vivalto Santé) préfèrent au contraire se focaliser sur les soins de proximité. À l’heure du virage ambulatoire qui réduit les durées de séjour à l’hôpital, et du retour accompagné à domicile (lire aussi page 4), miser sur l’hôtellerie peut figurer comme une réminiscence du passé plutôt qu’un programme d’avant-garde.
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