« C’EST UN FLÉAU terrible », souligne le Dr Alain Calmat, président de la commission médicale Sport Santé du CNOSF, ancien ministre des Sports et champion olympique. « Contrairement à ce qu’indiquent certaines études, ce ne sont pas 25 morts subites non traumatiques qui sont constatées chaque année en France lors de la pratique sportive, mais 1 200 », précise le Pr Xavier Jouven, épidémiologiste et rythmologue cardiologue (Unité INSERM 970, HEGP, Paris). La moitié d’entre elles surviennent à l’intérieur des enceintes sportives, avec, dans 99 % de ces situations, la présence d’un témoin. Mais celui-ci, dans un cas sur d’eux, s’abstient d’intervenir. Si la plupart du temps, l’attention médiatique se focalise sur les champions de haut niveau, terrassés en plein match, à l’instar du footballeur Marc-Vivien Foé en 2003, les sportifs occasionnels sont vingt fois plus frappés par le phénomène, avec une moyenne d’âge de 45 ans.
Réforme de la visite médicale.
Après avoir fait plancher sur la question une trentaine d’experts, le CNOSF s’apprête à rendre publiques des préconisations pour mieux prévenir les accidents et permettre de ranimer les victimes. Dans un document que s’est procuré « le Quotidien », c’est d’abord pour une réforme de la visite médicale de non-contre-indication que plaide le Pr François Carré (Unité de biologie et médecine du sport du CHU Pontchaillou, Rennes). La première visite devrait comporter un bilan médical poussé avec électrocardiogramme ; en cas de doute ou d’anomalie, le sportif devrait être suivi de manière plus fréquente, avec l’établissement d’un planning de visites et d’un questionnaire d’auto-évaluation.
Ces visites doivent s’inscrire aussi dans un cadre pédagogique : le médecin expliquera aux sportifs comment il faut pratiquer une discipline pour réduire le risque d’accident, en leur faisant prendre conscience de l’importance de la visite médicale, pour qu’ils ne la perçoivent plus comme une contrainte fastidieuse mais une mesure de précaution indispensable. Cette visite devra aussi être l’occasion de rappeler les dangers liés à la prise de produits dopants en particulier et à l’automédication en général.
Pour mener à bien ces différentes stratégies, le Pr Carré juge « trop courte » la durée de la formation des médecins aux contraintes que représente le sport pour l’organisme et il demande de revoir les programmes à ce propos.
Également au chapitre de la prévention, une réflexion doit être lancée pour aménager l’emploi du temps des sportifs. C’est particulièrement nécessaire pour associer les rythmes d’entraînement et les rythmes scolaires pour les sportifs de haut niveau qui intègrent les pôles.
Des défibrillateurs dans les stades.
Le CNOSF développe un ensemble de mesures à adopter pour intervenir sur le terrain en cas d’accident. « Il faut faire pression sur les pouvoirs publics pour insister sur la nécessité d’installer des défibrillateurs accessibles dans tous les équipements sportifs ». Comme le remarque le Pr Xavier Jouven, « aucune fédération n’accepterait d’organiser une compétition dans un stade qui ne serait pas équipé d’un extincteur. Cependant, aucun sportif ni spectateur ne sont victimes de brûlures dans les stades, alors que plusieurs dizaines de personnes sont concernées par la mort subite, dans des stades quasiment jamais équipée de défibrillateur. »
Le même Pr Jouven relève, a contrario, que deux régions en France, le Nord et la Bourgogne, parviennent à réanimer 66 % des personnes qui sont hospitalisées à la suite d’une mort subite grâce à l’installation de défibrillateurs dans les lieux publics. Ce qui montre qu’en France on peut faire aussi bien qu’à Seattle, la Mecque de la prise en charge de l’accident cardiaque aux États-Unis.
Pour autant, comme le rappelle la FFC (Fédération française de cardiologie), il reste prioritaire de connaître et de faire connaître les trois actions à pratiquer en cas d’accident cardio-vasculaire : appeler, masser de défibriller.
La mise en place d’une initiation de trente minutes est jugée suffisante pour apprendre aux sportifs, aux entraîneurs et aux arbitres, les gestes fondamentaux qui sauvent. Le massage cardiaque externe, qui doit être rapidement mis en uvre et ne pas être interrompu, notamment pendant le transfert vers l’hôpital. Doit ensuite être déployée une chaîne de survie, dont l’objectif, pour éviter toute perte de temps, nécessite de tout prévoir et d’organiser des répétitions.
Sur ce terrain logistique, des check-lists pourraient être mises au point : avant chaque compétition, les organisateurs devraient répondre à des questions type portant sur la présence de personnes formées, le numéro à appeler en cas d’urgence, la présence des premiers secours. Et bien sûr, celle d’un défibrillateur. Car « sans lui, insiste le Pr Jouven, nous ne pourrons sauver personne ».
Recherches médico-légales.
Pour réduire les zones d’ombre et d’incertitude scientifique qui persistent et rechercher d’autres moyens de lutte, l’accent est enfin mis sur les aspects médico-légaux. Il faut sensibiliser les SAMU, les pompiers et, de manière générale, les médecins sur l’importance de leur rôle dans le déclenchement des autopsies hospitalières. Comme ce sont les juges et les procureurs qui décident de l’autopsie médico-légale, le ministère de la Justice devrait leur adresser des circulaires pour recommander ces actes.
Ce dernier point, comme l’ensemble des préconisations du collège, va être « pris en considération », promet Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé et des Sports. Pour Alain Calmat, « les médecins, les scientifiques et les responsables sportifs partagent le deuil de ces morts qui emportent des sportifs en pleine possession de leur moyen, parfois sans prémices. Tous ont le devoir de mener la lutte contre ces accidents. »
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